Au nom du Seigneur
Ron Naiweld analyse la Bible comme un mythe dont le héros, Yahvé, se fait le reflet des passions humaines.
L’histoire des religions, une discipline austère ? Certainement pas, avec Ron Naiweld. Le spécialiste des juifs de l’Antiquité se penche sur l’histoire de celui dont le lecteur remplace traditionnellement le nom dans l’Ancien Testament par adonaï
( Seigneur). Dire « Yahvé » , c’est changer de perspective en refusant de l’abstraire de la condition humaine. Cette divinité devient alors le personnage d’une véritable mythologie, « un dieu comme infrastructure narrative qui permet aux humains de penser et discuter leur condition dans le monde social et naturel ». Sous la plume de l’auteur, les vicissitudes d’Abraham, d’Abel, de Caïn, d’Esther et de tant d’autres, narrées avec virtuosité, retrouvent leur
place dans leur contexte historique. Il ne s’agit plus de croire aveuglément, mais d’analyser. Yahvé, comme tous les dieux antiques, de l’Olympe au Nil, possède sa propre geste. Dans la Bible, hashem (le nom) entre souvent en interaction avec les autres. Il s’adresse parfois directement à un personnage secondaire sous une forme inattendue, comme le buisson ardent face à Moïse. D’autres fois, en revanche, il domine les événements tel un observateur lointain. Dans le mythe d’Adam et Ève, Yahvé donne même l’impression de parler à d’autres interlocuteurs divins. Ne serait- il pas seul dans les cieux ? C’est bien là l’hypothèse dérangeante des gnostiques dès l’Antiquité, des rabbins et de certains cabalistes du Moyen Âge.
Si la Bible est appréhendée comme un récit dont le personnage central est Yahvé, apparaît alors en filigrane son objectif : la quête de pouvoir. Il veut un peuple à soumettre, des croyants pour le prier, l’aimer et le craindre. Malheur à ceux qui refusent sa loi ! Déçu par sa création, Yahvé la détruit par le déluge. Désolé par cet excès, il promet à Noé d’apprendre à se contrôler. Sombrer dans les affres de la colère était l’aveu de son humanité…