L’homme structuré
Pierre Legendre continue sa réflexion sur notre société et sur les êtres logiques et rationnels que nous sommes.
Tenons bien fermement ce principe, rappelé dans Le Visage de la main : l’homme est le seul animal habité par la parole, en interaction permanente avec le monde, le pressant de questions sur lui-même et sur le sens de sa vie. Ce monde où il vit existe par la croyance évidente aux images, à commencer par la sienne qui se reflète dans le miroir où, d’emblée, il se reconnaît. Nous sommes tous confrontés à la théâtralité invasive du pouvoir. Non pas seulement à celle imposée par le totalitarisme, mais aussi à celles de nos démocraties techno-industrielles et du
management planétaire. Face au bazar des sciences humaines qui débitent l’humain en fines tranches débilitantes, Pierre Legendre oppose la question de la structure de l’homme. Il est constitué de paroles, d’images et d’identité. Toute société, en Occident et ailleurs, met en scène son fondement institutionnel : rituels, cérémonies, préceptes de vie, montrant et faisant sentir les raisons d’exister. La romanité politique et juridique, le christianisme européen, la Révolution, la démocratie libérale ou la chefferie africaine ne fonctionnent pas autrement. Contre tous les partisans de la table rase, l’homme parlant est un animal généalogique, s’interrogeant sur sa filiation individuelle et sociale, bref, sur le pourquoi et le comment de son existence. De la main empreinte sur les murs de Lascaux, à l’enluminure, en passant par le poème le plus moderne, l’homme se reconnaît dans son oeuvre. Toute lettre, dit-on, arrive toujours à son destinataire, et l’oeuvre si érudite de Pierre Legendre, psychanalyste, agrégé de droit romain, cinéaste et grand prosateur, a trouvé depuis belle lurette ses lecteurs et s’offre à ceux à venir. Ceux qui ne veulent pas être abusés par le « prêt-à-penser » des innombrables faussaires contemporains.