L’ artisanat contribue-t-il à une éthique du faire ?
Original et philosophique, ce témoignage d’Arthur Lochmann venu au métier du bois presque par hasard, offre une belle leçon de vie.
Après des études littéraires, Arthur Lochmann décide de délaisser celles- ci pour passer un CAP de charpentier. Il découvre alors « un métier immensément exigeant, une vie solide à laquelle on s’attache ». Il en a tiré un récit qui atteste un retour en grâce de l’artisanat en tant que formation, procurant solidité et stabilité à l’individu contemporain confronté à la perspective de voir son identité atomisée, liquéfiée, n’être plus que transitoire. Il n’y a, dans La Vie
solide, ni nostalgie ni fantasme d’un retour à un stade antérieur au développement technique, car l’artisanat « fait voler en éclats l’opposition apparente entre tradition et modernité ». Le charpentier doit ainsi constamment mêler anciennes et nouvelles techniques. La pratique de la charpente enseigne ainsi que « les savoirs du passé ne sont pas dépassés », mais sont au contraire « enrichis par les nouvelles méthodes de travail ». L’artisanat permet « de suspendre la question de l’identité […] pour la remplacer par la question de l’agir – et y répondre par une éthique du faire » . Bref, il faut soigner son rapport au travail pour
« reprendre la main sur sa vie ».
Ce n’est pas là un nouvel impératif catégorique mais un sage conseil : pour éviter la dispersion et la liquéfaction de soi, l’apprentissage d’un métier artisanal peut s’avérer salutaire :
« ce soin mis à l’ouvrage qui est
[…] une manière simple et efficace de donner un sens plein à la vie ». L’apprentissage, dix ans durant, n’a pas donné une identité à Arthur Lochmann : sans fausse modestie et par estime pour ceux qui le sont vraiment, il ne se prétend pas charpentier, métier qu’il ne pratique d’ailleurs plus. Mais le contact avec le bois, le rapport à soi et au temps, le mode de vie collectif induits par cet artisanat lui ont appris « à penser matériellement en se servant de ses mains et en acceptant le verdict des choses ». Jean Montenot La Vie solide. La charpente comme éthique du faire par Arthur Lochmann,
208 p., Payot, 15,50 €