Les livres en pente douce
Pertinente et socialement engagée, la Librairie de la rue en pente* ne manque pas de piquant. Rendez-vous à Bayonne où flirtent avec bonheur l’art de la lecture et celui de la conversation.
En plein coeur du centre historique de Bayonne, à quelques pas de la cathédrale, il faut remonter la rue Poissonnerie pour accéder, non sans quelque effort, à la charmante Librairie de la rue en pente, dont le nom prend alors toute sa signification. Rares sont les curieux à ne pas s’arrêter devant la devanture d’un rouge ocre. Depuis sa création il y a trente-huit ans, il semblerait que ce succès soit également dû au franc-parler de ses fondateurs, les parents de Jeanne, l’actuelle propriétaire. Ces derniers, fous de littérature, succombent en 1981 au charme de la cité basque et décident d’y ouvrir une librairie, secondés par un couple d’amis.
Si Jeanne grandit au milieu des livres, elle se destine toutefois à des études d’architecture. Mais, coup du destin, le bref remplacement qu’elle effectue alors que ses parents sont absents finit par achever de la convaincre. L’amour des
livres, les échanges qu’ils permettent : difficile de résister à cela. C’est donc naturellement qu’elle a accepté, il y a sept ans, de reprendre le flambeau aux côtés de son père. Sans regrets ? « Avec le recul, je ne me verrais nulle part ailleurs », s’empresse-t-elle de répondre. Cinq ans plus tard, Jeanne et Lucie, sa collègue, ont définitivement repris la boutique, non sans en y avoir apporté quelques changements. Jeanne a ainsi pu faire informatiser toute la librairie ; et la rue ayant été entièrement piétonnisée, la fréquentation du lieu a doublé…
DES VITRINES QUI OSENT Jeanne et sa collègue ont su tirer parti d’un lieu déjà empreint d’une forte identité. Si la première est férue de littérature française et militante écologique assumée, son associée est incollable dans le domaine du polar. À elles deux, elles perpétuent la tradition des vitrines qui ne laissent personne indifférent. Des thèmes qui font mouche, comme « Les romans à scandale ». Et leur incontournable trimestriel : « Les 12 meilleurs livres… et le plus mauvais. »
S’il arrive souvent à nos deux libraires de surprendre des passants en train de photographier leur vitrine, c’est parce que les notes manuscrites qui la fleurissent méritent le détour. En 2012, le père de Jeanne avait d’ailleurs fait sensation sur la Toile avec sa critique explicite de Cinquante nuances de Grey :« Littérairement : nul. Érotiquement : banal. Sociologiquement : réac. Commercialement : super ! »
Jeanne n’hésite pas à rappeler le devoir d’honnêteté d’un libraire, marquant une différence fondamentale avec le commerce pur et dur. « On a le droit d’être sincère, et heureusement ! Critiquer un mauvais livre, c’est aussi mettre en valeur tous les bons. »
La tradition se perpétue également avec des rencontres philosophiques
quotidiennes, une randonnée littéraire annuelle, mais aussi l’organisation régulière de concerts et, bientôt, une dictée collective en partenariat avec Le Robert. On notera l’atout charme niché au fond de la librairie, une galerie d’art où se succèdent, chaque mois, des expositions de peintres ou de photographes. Avec de tels passionnés, la Librairie de la rue en pente vaut bien une petite grimpette !
Adèle de Labeau
* 29 rue Poissonnerie, 64100 Bayonne. Ouvert le lundi de 14 h 30 à 19 heures et du mardi au samedi de 9 h 30 à 19 h.