Frédéric Martel
Un archevêque chuchota un jour à l’oreille de Frédéric Martel un secret capital : les sphères les plus conservatrices du Vatican dissimuleraient des homosexuels pratiquants qui formeraient un puissant club. Rien d’étonnant pour qui connaît un peu la Curie et la nature humaine en général. Au e siècle, le pape x Jean XII était déjà accusé d’avoir fait de Rome un lupanar. Mais le scoop était tentant et le Vatican méritait bien une enquête. Que tombent enfin les soutanes et les mozettes. À l’image de son lancement médiatique claironnant, le dispositif journalistique de Sodoma est impressionnant : mille cinq cents interviewés, vingt-huit informateurs et quatre-vingts collaborateurs pour soulever les jupes des cardinaux. On applaudit la prouesse sportive, même si l’intérêt intellectuel et humain semble maigre. Six cents pages sous les jupes, c’est long. Malgré quelques témoignages émouvants et une fine analyse des conséquences politiques de ce gay Vatican, misogyne et réactionnaire, le livre clapote dans un bénitier où surnagent quelques préservatifs. Certains portraits sont croustillants, mais le outing indirect, par allusion, laissant galoper la rumeur, gêne. Bernanos tirait prétexte de l’imposture des clercs pour sonder les contradictions de l’âme humaine. Martel dresse la liste du club et décrit tout de cette Rome fellinienne, fasciné comme le petit Marcel chez Mme de Guermantes. Si l’hypocrisie de ces cardinaux est navrante, l’obsession de la transparence absolue interroge. Publié le 21 février, l’ouvrage se serait écoulé, en quinze jours, à près de 30 000 exemplaires, selon Édistat.