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La foire aux vanités

Pour son premier roman, la journalist­e Tara Isabella Burton explore avec talent les relations humaines complexes, les rêves brisés, dans un New York glamour et paillettes. Impression­nant.

- Baptiste Liger

On dit que le temps n’attend pas le nombre des années. L’expression prend un sens très particulie­r à New York. Là-bas, « si tu n’as pas réussi à l’âge de trente ans, tu ne réussiras jamais. Louise a vingt-neuf ans. Lavinia vingttrois ». Six ans les séparent, mais ce n’est pas le principal écart, la seule différence entre les deux jeunes femmes.

La première se rêve en « GrandÉcriv­ain ». En attendant, elle travaille pour un site Internet « qui vend des sacs à main de contrefaço­n », tout en donnant des cours, à l’occasion – histoire de pouvoir se payer des verres hors de prix dans des bars sophistiqu­és. Grâce à une petite annonce dans une librairie, Louise rencontre sa future grande amie, qui souhaite offrir quelques leçons à sa petite soeur, Cordelia. L’enseignant­e amateure va alors découvrir un appartemen­t occupant un étage entier, « dans un immeuble en grès brun de la 78e Rue ». Et, surtout, faire la connaissan­ce de la splendide Lavinia et gagner immédiatem­ent son amitié grâce à son petit talent de couturière. C’est ainsi que Louise va connaître les soirées les plus huppées et s’installer chez cette véritable icône du New York branché.

Commence alors une odyssée sous le signe du triptyque luxe, calme (relatif) et volupté ou, plutôt, sexe, drogues et bloody mary en open bar – avec quelques selfies au passage. Mais, au bout d’une quarantain­e de pages de Social Creature, un détail change tout : Lavinia va mourir dans six mois, et les grandes soirées laisseront place à la Nuit éternelle… Mais de quelle manière ? Et Louise saura-t-elle dire adieu à celle-ci, ainsi qu’à sa nouvelle existence ?

SUPERFICIA­LITÉ ET PROFONDEUR

Placé sous l’égide du poème Ulysse d’Alfred Tennyson, le premier roman de la journalist­e américaine Tara Isabella Burton n’évite certes pas certains tics de langue et poncifs à la Bret Easton Ellis ou Jay McInerney. Pourtant, on se prend de passion pour ces héroïnes, plus complices qu’elles n’en ont l’air, et pour leur relation ambiguë. Si la peinture du milieu n’a rien de très neuf, Social Creature tient en haleine grâce à sa constructi­on précise et retorse à la fois, et à sa manière de montrer que la superficia­lité peut être un terreau de profondeur.

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 ??  ?? HHHII Social Creature (id.) par Tara Isabella Burton, traduit de l’anglais (États-Unis) par Élodie Leplat, 352 p., Seuil, 19,90 €
HHHII Social Creature (id.) par Tara Isabella Burton, traduit de l’anglais (États-Unis) par Élodie Leplat, 352 p., Seuil, 19,90 €

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