Imbroglio à la mexicaine
Que ce soit l’enquête menée par Jorge Volpi sur l’affaire Florence Cassez, ou l’habile intrigue policière de Fernanda Melchor, ce sont les enlèvements, la folie et les violences au Mexique qui sont pointés du doigt.
Le Mexique a des démons. L’une de ses meilleurs plumes actuelles, Jorge Volpi, les sonde avec « un roman documentaire ou un roman sans fiction ». Son implacable Roman mexicain est une relecture de l’affaire Florence Cassez. Une investigation personnelle et littéraire.
Au début des années 2000, les enlèvements sont monnaie courante dans le pays. Personne n’est à l’abri d’une frayeur. Ni de se retrouver séquestré moyennant finance. Les deux protagonistes du livre de l’auteur de À la recherche de Klingsor et du Temps des cendres sont Israel Vallarta Cisneros et Florence Cassez. Le premier, s’interroge Volpi, est- il un dangereux criminel ou la victime d’une énorme machination ? La seconde a marqué les esprits français. Ces deux-là, qui ont quitté les bancs du lycée à 17 ans, se rencontrent en 2004, à Mexico. Lui vend des voitures d’occasion, elle travaille dans l’entreprise de son frère. Un an plus tard, ils seront arrêtés ensemble par la police de manière spectaculaire, devant les caméras de la télévision, à une demi-heure de la colossale capitale du Mexique. Florence Cassez est accusée de faire partie de la bande du Zodiaque, des ravisseurs qui seraient dirigés par Israel Vallarta Cisneros. À l’issue d’un procès de plus d’un an, elle est condamnée en avril 2008 à une peine de quatre- vingt- seize ans de prison. Avant que l’État français, alors sous la présidence de Nicolas Sarkozy, n’entame un combat pour sa libération. Avec minutie, l’enquêteur Jorge Volpi réétudie chaque pièce du dossier juridique, pointant les contradictions, creusant et réajustant les faits. Il en découle un volume hautement fascinant qui lui a demandé trois ans de travail. Le nouveau sommet d’un « écrivain de fiction – et de fictions ambiguës, sans fins univoques ».
UN PAYS OÙ LA FOLIE RÔDE
Il faut réserver le meilleur accueil aux débuts littéraires de Fernanda Melchor, née en 1982 à Veracruz, dont La Saison des ouragans est le deuxième roman et le premier traduit en France. Le volume démarre fort. Cinq gamins découvrent dans l’eau d’un ravin le visage putréfié d’un mort. Ou plutôt d’une morte, la Sorcière, jadis connue pour son art dans le commerce des guérisons et des malédictions. Pour les décoctions qu’elle transformait en poison. D’elle, on disait qu’elle écoutait et que rien ne la choquait. Aussi qu’elle avait tué son mari, Manolo Conde, et qu’elle ne mettait plus un pied en dehors de sa maison de La Matosa où serait caché un trésor. Ce qui alimentait les conversations et déliait les langues locales. Un jour qu’elle s’occupait du linge, Yesenia a vu de drôles de choses. Un pick- up s’arrêter devant chez la Sorcière. Deux garçons sortir de chez elle avec un troisième individu qu’ils portaient par les bras et les jambes. Une personne mal en point qui pouvait fort bien être la Sorcière. L’un des deux, elle en était parfaitement sûre, était rien moins que son cousin Maurilio Camargo Cruz alias Luis Miguel, un « salaud » qu’elle a élevé… Fernanda Melchor ferre son lecteur dès l’entame et ne le lâche plus, le promenant dans un Mexique violent, aride et bouillonnant. Un pays où la folie rôde, où les esprits s’enflamment. Sa Saison des ouragans regorge de victimes et de bourreaux, de bruit et de fureur, de souffrance et de douleur. Un voyage sur place s’impose.