L’autre en soi
Marie Nimier, auteure de La Reine du silence, a recueilli les secrets d’anonymes pendant un mois et demi. Une expérience troublante relatée dans son nouveau livre.
epuis toujours, les écrivains puisent la matière de leurs livres dans la vie des autres. On imagine ces braconniers d’histoires, avançant masqués, se tenir aux aguets au zinc d’un bar, dans les transports en commun ou les salles d’attente.
Dans Les Confidences, Marie Nimier tombe en quelque sorte le masque. Un jour, elle a lancé un appel à confidences, invitant quiconque le désirait à lui confier, lors d’une rencontre ou sur un site Internet, une phrase, une image ou un acte du passé qui ne quittait pas leur esprit. Une mairie lui a prêté un appartement inoccupé, avec pour uniques meubles un portemanteau et un encombrant philodendron. Elle y a installé une table, deux chaises. Et a attendu, les yeux bandés. Ceux qui ont prix rendez-vous le savent : leurs confidences finiront peut- être dans un livre. Elle ne le sait pas : cette expérience fera remonter en elle une vérité enfouie.
TÉMOIGNAGES MARQUANTS
Retranscrits en verbatim ou à la troisième personne, les textes de quelques lignes ou de plusieurs pages sont souvent dérangeants, rarement heureux, toujours marquants. Les gens parlent de blessures d’enfance, de fantasme sexuel, d’humiliations, de masochisme. On entend aussi la voix d’un adolescent romantique qui aime toutes les femmes, d’un homme qui rêve que la vie soit un bain moussant géant où l’on se frotte les uns aux autres, d’une femme qui se souvient du plaisir de passer la tête par le toit ouvrant de la voiture de son père, comme un rituel à chaque retour de promenade. Remords, regrets qui pèsent. Ou lucioles de joie. Il y a ceux qui se confient d’emblée, et d’autres qui tournent autour du pot ou proposent à l’écrivaine de publier leur histoire sous son nom, ou pourquoi pas de la réécrire à quatre mains. Certains connaissent les livres de Marie Nimier, adaptent peutêtre leurs confidences à ce qui pourrait l’intéresser.
Face à eux, la narratrice sensible encaisse, frémit, fatigue aussi. Peu à peu, ces histoires lui reviennent comme des souvenirs, font surgir les siens et l’aident à comprendre ce qui l’anime. Pourquoi a- t- elle monté ce dispositif ? Qui attend- elle ainsi, les yeux bandés ? La réponse clôt le livre, apportant un éclairage essentiel à l’oeuvre de Marie Nimier