Un printemps québécois
Nés dans la même région du Canada francophone, Élisabeth Benoit, David Goudreault et Éric Plamandon offrent trois illustrations d’une province littérairement très en forme.
Derrière ce titre, assez simple, désignant l’un des personnages, Suzanne Travolta cache une histoire à tiroirs. Tout démarre pourtant avec une autre protagoniste, retrouvée morte après son suicide dès le début du livre. Qui était-elle vraiment, et pourquoi s’estelle suicidée ? Pour approfondir la question (plus que pour y répondre), le roman est construit comme une tragédie. Plusieurs voix forment un choeur pour évoquer celle qui était leur soeur, leur amie, leur voisine, une vague connaissance, une amoureuse. Ils la croisaient dans un quartier de Montréal, la ville étant plus qu’un simple décor quand on apprend que certains personnages s’y surveillaient mutuellement. Et parmi ceux-ci, justement, la fameuse Suzanne Travolta. Le choeur choral avance masqué, déroutant le lecteur par une habile variation de « t’aime » . L’auteure québécoise Élisabeth Benoit, qui vit en France depuis dix ans, livre un subtil et envoûtant premier roman.
David Goudreault avait été le premier Québécois à remporter la Coupe du monde de slam, en juin 2011 à Paris. Il fait vibrer le verbe sur plusieurs cordes, comme le prouvent la voix et la truculence de ce héros sans nom qu’il avait créé dans La Bête à sa mère, fils d’une femme suicidaire, ado dysfonctionnel devenu toxicomane et accro au porno. À bord de son cerveau, nous suivons, dans La Bête et sa Cage, la fuite en avant désespérée d’un autre narrateur, devenu tueur en série. C’est, du moins, ce qu’il prétend. Et écrit : « J’ai encore tué quelqu’un. Je suis un tueur en série. D’accord, deux cadavres, c’est une petite série, mais c’est une série quand même. Et je suis jeune. […] L’occasion fait le larron, le meurtrier ou la pâtissière. » À seulement 22 ans, il est détenu dans l’aile psychiatrique d’un pénitencier. En quête de reconnaissance, il veut grimper dans la hiérarchie criminelle. Le tout en devenant fou amoureux. Testostéroné, déglingué, blindé à la gouaille, ce nouveau roman en dit long, aussi, sur la société occidentale.
Québécois vivant aujourd’hui en France, Éric Plamondon livre un septième roman, Oyana, choisissant cette fois la forme épistolaire. Installée à Montréal depuis plus de vingt ans, une femme plaque sa vie et son compagnon, en 2018. La raison ? En Europe, l’ETA vient de cesser ses activités. Par ses lettres, on suit l’histoire sanglante et familiale de cette réfugiée ayant fui le Pays basque pour l’Amérique du Nord.