En quête de Beckett
Qui était vraiment l’auteur de En attendant Godot ? Et comment écrire sur lui sans se perdre dans un labyrinthe de banalités ou de contresens attendus ? Michel Crépu relève le gant.
Voici un petit livre très étrange, quasi beckettien dans sa forme bizarroïde et ascétique… Ce n’est ni une biographie ni un essai littéraire linéaire. Sur Beckett, on connaît les clichés – le comparer à une statue de Giacometti étant le premier d’entre eux. Dès l’incipit de son texte, Michel Crépu s’avoue dubitatif, battu d’avance. Comment écrire sur « le vieux héron » sans « aller au tapis direct » ? Sa tactique : fuir à tout prix le jargon universitaire creux, tenter de nouveaux parallèles, rire à l’occasion et, surtout, se souvenir. Car Crépu, quand il n’était pas le patron de
la NRF mais un jeune homme sans qualification, avait eu le privilège de rencontrer le grand « Sam » ! C’était une fin de matinée de juillet 1982, au PLM Saint-Jacques…
Autour de cette scène floue qui pourrait être le début d’un roman de Modiano, Crépu brode, avec Beckett, 27 juillet 1982, 11 h 30, une drôle de spirale où il est question de lui, de son cher grand-père, d’une retraite qu’il avait effectuée à l’abbaye de Fleury, bouquin de Beckett en poche, de sa lecture et relecture de cette oeuvre déconcertante, de la sainteté de l’Irlandais, de son côté janséniste – le chapitre où Michel Crépu le compare à Fénelon et Pascal est sans doute le plus fructueux. Taiseux, ailleurs, un brin moqueur, il n’était pas facile à attraper, le sphinx. Ce n’est pas Buster Keaton, qui joua dans son seul film et ne comprit que pouic à son auteur, qui nous aurait contredit…