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Enquête sur un écrivain secret

« À l’occasion des 80 ans de Samuel Beckett, Pierre Assouline signe un portrait détaillé de l’auteur d’En attendant Godot, connu entre autres pour sa discrétion entretenue avec le temps…

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Certains l’appellent Sam. Mais ils sont peu nombreux. C’est que cet homme terribleme­nt discret vit en retrait en plein Paris. On ne le voit pas, on ne l’entend pas, on ne sait pratiqueme­nt rien de lui tel qu’il est aujourd’hui. Depuis son accession à la notoriété et singulière­ment depuis l’attributio­n du prix Nobel de littératur­e en 1969, il résiste à l’agression extérieure. Il vit aussi comme une épreuve le fait d’être traduit en une trentaine de langues et d’être joué tous les jours, quelque part dans le monde, sur une scène de théâtre. Sa gloire sera à son zénith en ce mois d’avril pour son quatre-vingtième anniversai­re. On chantera sa louange sur tous les tons. Alors il s’enfermera un peu plus, loin de ce brouhaha, dans son appartemen­t du XIVe arrondisse­ment ou dans sa maison de la Marne. Fidèle à sa légende, il sera le plus présent des absents. À un ami, il lâche sur le ton de la boutade : “Ça ne me fait pas tellement plaisir que tout le monde sache que j’ai 80 ans…”

Car pour Samuel Beckett, être écrivain, c’est écrire, un point c’est tout. Ma vie ? Voyez mon oeuvre, tout y est. Interrogez mes livres, le reste n’existe pas. On peut compter sur les doigts d’une seule main le nombre total de ses interviews depuis le début de sa carrière. La plupart des paroles mises dans sa bouche ne sont que propos rapportés, conversati­on avec un ami, bribes saisies au vol dans un café ou un théâtre. Découragea­nt ! À moins que ça ne soit au contraire très stimulant… […] 80 ans ce mois-ci, Samuel Beckett. On va encore noircir des milliers de pages pour le célébrer, celui dont Jean Genet disait : “C’est un grain de sable monumental”, et dont d’autres disent plus simplement : “C’est un type bien et rare.” Un écrivain, un dramaturge, peut-être un saint, un homme enfin, unique au monde. Certains l’appellent Sam. » P. A.

AU SOMMAIRE

Un large dossier sur l’organisati­on des Championna­ts de France d’orthograph­e ; une rencontre entre Alphonse Boudard et Jacques Laurent ; un texte inédit de Patrick Grainville intitulé Le Paradis des voyages ; des extraits de Voyage à Rodrigues de J.M.G. Le Clézio, de Voyage excentriqu­e et ferroviair­e autour du Royaume-Uni de Paul Theroux, et du Parfum de Patrick Süskind ; le roman d’Alain Gerber, Les Heureux Jours de monsieur Ghichka, passé « au peigne fin » par André Rollin.

LA RÉPONSE

« Il y a deux types de réaction. D’abord, les femmes que je ne vois plus : bien que m’ayant passionném­ent aimé, elles ne lisent même plus mes livres. […] Les autres ont été surprises d’apprendre que je les ai autant trompées ! » Gabriel Matzneff (à la question : « Que pensent les jeunes filles que vous mettez en scène dans votre journal ? »)

LA POLÉMIQUE

« Maintenant que les élections législativ­es sont derrière nous, on ne peut que regretter le monstrueux déferlemen­t de livres politiques qui les ont précédées. Même les meilleurs ont été étouffés par la cacophonie électorale. Aux rares ouvrages qui le méritaient vraiment, comment faire une place dans une incessante surenchère démagogiqu­e ? […] Quant aux éditeurs qui, dès que se pointe un scrutin national, submergent de livres politiques les rayonnages des librairies, à quoi jouent-ils ? Vraiment, les lisent-ils ? Il y en eut tant et tant de médiocres, qui n’avaient d’autre justificat­ion que de servir de cartes de visite aux candidats. » Bernard Pivot (dans ses « Carnets »)

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