SOCIÉTÉ/HISTOIRE
Sommes-nous dans l’ère du déclin démocratique, de l’avènement de la « peuplecratie » ? Peut-on sauver la démocratie libérale ? Et comment ? L’historien Marc Lazar, le politiste Ilvo Diamanti et le philosophe Pierre-Henri Tavoillot ouvrent le débat.
L’Europe politique, fondée sur l’idée de raison et de progrès, se débat avec un intrus qui en conteste les principes : le populisme. La victoire du Brexit, en juin 2016, en a été le signe avant-coureur. L’arrivée au pouvoir en Italie, il y a un an, d’une droite dure régionaliste (La Ligue) et d’un mouvement « ni droite ni gauche » (Mouvement 5 étoiles), en est la forme achevée : la peuplecratie. C’est donc naturellement sur la situation transalpine que se penchent l’historien Marc Lazar et le politiste Ilvo Diamanti pour décortiquer « la métamorphose de nos démocraties ». La Botte est en effet « le sismographe qui enregistre les moindres secousses telluriques qui bouleversent l’ordre politique » du continent. S’y sont mêlés déclin des cultures politiques traditionnelles, recul des grands partis, personnalisation du pouvoir, médiatisation. S’y ajoute désormais la valorisation systématique du peuple, « groupe homogène », « porteur de vérité » et « fondamentalement bon », à l’inverse de ses représentants, par essence corrompus. La « peuplecratie » est-elle pour autant une fatalité ? Non, selon les auteurs, à condition que les partisans de la démocratie libérale sachent répondre aux aspirations des populations. Ce que, apparemment, ils n’ont pas su faire.
Comment gouverner un peuple-roi ? se demande, pour sa part, Pierre-Henri Tavoillot. Pour sortir de l’ornière la démocratie libérale, victime d’une « crise de la représentation », d’ « impuissance publique » et de « déficit de sens », le philosophe élabore de « nouvelles règles de l’art politique » en réponse à quatre questions. Comment gagner les élections, réussir une délibération, prendre de bonnes décisions, bien rendre les comptes ? La route est longue, comme le déplorait déjà Mirabeau en octobre 1789, en cette époque où « il faut tout craindre et tout braver ; où le tumulte renaît du tumulte ; où l’on produit une émeute par les moyens qu’on prend pour la prévenir ; où il faut sans cesse de la mesure, et où la mesure paraît équivoque, timide, pusillanime ».