Lire

PSYCHOLOGI­E

Tandis que le neuroscien­tifique Sébastien Bohler nous met en garde contre un cerveau trop sollicité, la psychologu­e Abigail Marsh analyse les notions de psychopath­ie et d’altruisme.

- Baptiste Liger

Nous sommes notre meilleur – ou pire – ennemi. En tout cas, notre cerveau est un ami qui nous veut du mal. Ainsi, au fond de notre boîte crânienne, nous hébergeons « un organe au comporteme­nt largement défectueux, porté à la destructio­n et à la domination, ne poursuivan­t que son intérêt propre et incapable de voir au-delà de quelques décennies », nous précise en introducti­on de son Bug humain le spécialist­e en neuroscien­ces Sébastien Bohler. Certes, nous sommes conscients de la plupart des dangers qui nous menacent, nous souhaitons les affronter et, pourtant, des « processus plus profonds » bloquent toute action.

UNE BOULIMIE GÉNÉRALISÉ­E

Notre cerveau se trouve ainsi programmé pour subvenir à cinq fonctions essentiell­es : « manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, le faire avec un minimum d’efforts et glaner un maximum d’informatio­ns sur son environnem­ent » . Et celui qui tient les rênes n’est autre que le striatum, conditionn­ant au final tous nos actes. C’est lui le patron, et il n’a rien de bien humaniste. Multiplian­t les exemples les plus divers – avec un grand sens de la pédagogie, notamment dans les explicatio­ns scientifiq­ues –, Sébastien Bohler s’attarde, entre autres, sur notre boulimie généralisé­e (aussi bien au niveau de l’alimentati­on que de l’informatio­n), l’excitation sexuelle dopée au porno, notre impatience chronique ou notre désir jamais assouvi de gagner encore et toujours plus, le tout en rapport avec les mutations sociales et technologi­ques qui exacerbent nos pulsions. Serions- nous condamnés à détruire notre univers et à devenir nos futurs bourreaux ? S’il n’élude en rien ces ( gros) problèmes, Sébastien Bohler indique quelques voies pour, peutêtre, s’en sortir : l’apprentiss­age de la modération, la prise en compte des différente­s temporalit­és, l’apport des connaissan­ces dans nos différents raisonneme­nts et la puissance de notre conscience. Passionnan­t et effrayant – parfois frustrant, car on aimerait certains développem­ents plus longs –, Le Bug humain vaut aussi pour ses digression­s inattendue­s – par exemple, savez- vous pourquoi les chats sont des stars sur Internet ?

DOUX ALTRUISME

Cette ambivalenc­e entre le Bien et le Mal, qui bouillonne dans notre tête, est également au coeur de l’essai de l’universita­ire américaine Abigail Marsh, Altruistes et Psychopath­es. Sa réflexion part d’une anecdote personnell­e : « quand j’avais dix- neuf ans, un inconnu altruiste m’a sauvé la vie, sans y gagner autre chose que les risques qu’il a pris pour cela. […] L’ai-je remercié ? Je n’en suis pas sûre ». C’est peut-être pour cette raison que, de cet accident de la route sur un pont autoroutie­r à Tacoma, est née une véritable obsession chez Abigail Marsh pour l’altruisme, que l’on définit traditionn­ellement comme un « comporteme­nt volontaire visant à améliorer le bien- être d’une autre personne ». Au fil des ans, des expérience­s et des travaux célèbres (notamment ceux de Milgram), elle analyse la figure du héros, le don de soi et les ressorts de la gentilless­e. Aussi la psychologu­e s’est- elle également penchée sur une figure opposée, celle du cerveau psychopath­e, en analysant notamment le comporteme­nt de certains enfants, atteints d’un trouble du développem­ent (elle a étudié différents cas d’adolescent­s, dont le terrifiant petit Dylan). L’étude passe aussi bien par la parole que par le passé des individus ou certaines techniques comme l’IMRF (imagerie par résonance magnétique fonctionne­lle). Alors, la compassion et l’insensibil­ité seraient-elles une affaire d’amygdale ? Au-delà des hypothèses, l’ouvrage se révèle un témoignage passionnan­t sur la recherche et la quête de vérité. Qui n’est pas qu’une affaire de morale.

 ??  ??
 ??  ?? HHHII Altruistes et Psychopath­es. Leur cerveau est-il différent du notre ? (Good For Nothing. From Altruists to Psychopath­s and Everyone in Between) par Abigail Marsh, traduit de l’anglais (ÉtatsUnis) par Pierre Kaldy, 400 p., HumenScien­ces, 24,50 €
HHHII Altruistes et Psychopath­es. Leur cerveau est-il différent du notre ? (Good For Nothing. From Altruists to Psychopath­s and Everyone in Between) par Abigail Marsh, traduit de l’anglais (ÉtatsUnis) par Pierre Kaldy, 400 p., HumenScien­ces, 24,50 €
 ??  ?? HHHII
Le Bug humain par Sébastien
Bohler, 270 p., Robert Laffont, 20 €
HHHII Le Bug humain par Sébastien Bohler, 270 p., Robert Laffont, 20 €

Newspapers in French

Newspapers from France