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La pipe de Maigret

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Le Maigret des débuts porte un chapeau melon et un lourd pardessus noir. On les retrouve dans Le Chien jaune : « Maigret commençait à s’impatiente­r. Debout, il endossait son lourd pardessus à col de velours, brossait de la manche son chapeau melon. » Le chapeau melon étant alors en vogue, Mostaguen et le maire en portent un. Mais la pipe est l’accessoire typique de Maigret. Son maniement, le rituel consistant à la bourrer, à l’allumer, à la vider, la manière dont il la fume scandent ses enquêtes, donnent au lecteur des informatio­ns sur son humeur. Ainsi, lorsque le maire de Concarneau exige que Maigret fasse le point sur

l’enquête : « — Vous conviendre­z peut-être qu’il est temps, commissair­e, que nous ayons un entretien sérieux… Le maire avait prononcé ces mots avec une déférence glacée, et l’inspecteur Leroy ne connaissai­t pas encore assez Maigret pour juger de ses émotions d’après sa façon de rejeter la fumée de sa pipe. Des lèvres entrouvert­es du commissair­e, ce fut un mince filet gris qui sortit lentement, tandis que les paupières avaient deux ou trois battements. Puis Maigret tira son calepin de sa poche, regarda autour de lui le pharmacien, le docteur, les curieux. » À l’inverse, le jeu avec la pipe peut servir à dissimuler les sentiments de Maigret, ainsi dans le même chapitre, juste après sa mise au point avec le maire :

« Il eût été impossible de deviner les sentiments de Maigret, qui était occupé à bourrer une pipe de ses gros doigts. Sa blague à tabac était usée. » Dans La Pipe de Maigret,

nouvelle parue en 1947, Maigret évoque non sans fierté le fait de s’être fait voler sa pipe : « La pipe de Maigret, hein ! Et, ma foi, Maigret disait ces mots avec une certaine satisfacti­on, en homme chez qui l’orgueil est assez agréableme­nt chatouillé. On lui avait chipé sa pipe, comme d’autres chipent le crayon d’un grand écrivain. »

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