Celle qui inventa Fifi Brindacier…
Un biopic au cinéma (Astrid), une excellente biographie en librairie : il est temps pour les Français de faire davantage connaissance avec l’une des magiciennes de la littérature jeunesse mondiale : la Suédoise Astrid Lindgren !
Une anti-héroïne, ivre de liberté, vivant sans parents, sans contraintes et avec… un cheval
Le billet de 20 couronnes en Suède est à l’effigie d’une femme âgée au regard doux. Les Français ne mettent pas immédiatement un nom sur ce visage, à droite duquel se trouvent un livre et une gamine aux deux nattes en l’air : voici Astrid Lindgren, mère de Fifi Brindacier, grande héroïne de la littérature jeunesse. Dans ce pays d’Europe du Nord dont elle est originaire, la romancière est une star : il n’est pas rare de croiser sa statue dans un jardin public, un parc d’attractions en l’honneur de ses héros a ouvert, et son appartement à Stockholm se visite. Il est vrai qu’en France elle est un peu moins connue. Les premières traductions de Fifi Brindacier ont édulcoré le texte original et il a fallu attendre 1995 et celles d’Alain Gnaedig, spécialiste de littérature suédoise, pour découvrir les aspérités de ce personnage
inventé au début des années 1940. En 1945, Pippi Langstrump (« Pippi longues chaussettes »), de son nom suédois, est publié. La Seconde Guerre mondiale gronde en Europe et n’est pas gommée de ses aventures (le directeur du cirque est une allusion directe à Hitler). De l’autre côté de l’Atlantique, les supers-héros émergent et Astrid Lindgren n’hésite pas à doter sa Fifi d’une force surnaturelle. La romancière a façonné une anti-héroïne, ivre de liberté, vivant sans parents, sans contraintes et avec… un cheval ! La recette fonctionne. Le succès est immédiat : adaptation au théâtre, puis à la télévision, multiples traductions…
FAIRE CONFIANCE À L’INTELLIGENCE DES ENFANTS
Le phénomène est à la hauteur de ce qui se passe : c’est une révolution dans le paysage
de la littérature jeunesse. Si Fifi est la plus célèbre, Astrid Lindgren a inventé d’autres héros comme Émil ou encore Zozo la Tornade. Elle fait partie de celles et ceux qui ont compris que les histoires de princes et de princesses n’étaient pas forcément celles qui donneraient ses lettres de noblesse à la littérature jeunesse. Astrid Lindgren laisse derrière elle des textes dénués de messages éducatifs. Son maître mot : faire confiance à l’intelligence des enfants, les laisser penser par eux-mêmes. Ses écrits sont le miroir de sa vision progressiste de l’éducation et son oeuvre est à l’image de sa vie, comme le montre l’excellente biographie Astrid Lindgren, une Fifi Brindacier dans le siècle, de Jens Andersen (Gaïa). On y découvre le parcours d’une femme libre et entière. Astrid Lindgren est décédée à l’âge de 94 ans, en 2002. Aujourd’hui, un prix que l’on surnomme le Nobel de la littérature jeunesse porte son nom. Raphaël Botte Astrid Lindgren, une Fifi Brindacier dans le siècle (Astrid Lindgren. Denne dagen, et liv) par Jens Andersen, traduit du suédois par Alain Gnaedig, 480 p., Gaïa, 24 €