Franz-Olivier Giesbert*

Alors que sort en librairie son dix-septième roman, l’auteur de La Cuisinière d’Himmler évoque sa rencontre avec Colline, le premier roman de Jean Giono en lequel il reconnaît, depuis, un « frère d’âme ».

Après une lecture peu enthousiaste du Hussard sur le toit,

la découverte tardive de ce court roman aussi charnel que mystique m’a fait l’effet d’un coup de foudre. Si l’on se rend souvent compte a posteriori des livres qui nous ont marqués, j’ai su dès les premières pages de Colline

que ce texte aurait une place à part dans mon panthéon personnel. Au-delà de l’histoire, très simple ( dans un hameau de Haute-Provence abritant une douzaine d’âmes, un vieil homme est accusé de

sorcellerie lorsque la fontaine tarit, une enfant tombe malade, un incendie se déclare), la maturité de ce premier roman surprend, en plus de son incroyable pureté. Premier volet de la “trilogie de Pan”, il évoque avec force les liens profonds qui unissent les hommes à la nature et façonnent la vision panthéiste de Giono sur le monde, que l’on retrouve dans la plupart de ses textes. S’il fallait n’en retenir que trois, dans son oeuvre foisonnante, ce serait Colline, Un roi sans divertissement, son chef- d’oeuvre, et Solitude de la pitié. De temps en temps, je relis une dizaine de pages de Colline et, à chaque fois, je demeure impressionné par sa puissance inaltérable, des décennies après l’avoir découvert. Chez Giono, le ciel parle, le vent parle, le moindre brin d’herbe parle ! Je n’ai pas eu la chance de le rencontrer, mais il m’accompagne comme un frère d’âme, il est devenu au fil des années et de la découverte de son oeuvre un familier de mon quotidien. J’ai en revanche habité quelque temps à Manosque où Giono est né, a vécu et s’est éteint en 1970, et je suis bien sûr parti sur ses traces en m’imprégnant des paysages qu’il avait su décrire avec une volupté, une sensibilité prodigieuses. »

Propos recueillis par Laëtitia Favro

* À paraître : Le Schmock

(Gallimard, le 16 mai)