La vie rêvée des anges
Périlleux exercice que d’adapter Vernon Subutex, trilogie culte de Virginie Despentes dépeignant la descente aux enfers d’un ancien disquaire star devenu SDF. Périlleux car, au- delà du verbe assassin de Despentes, de sa galerie de personnages tous plus névrosés et pathétiques les uns que les autres, le roman se veut surtout la peinture sombre et désespérée d’une société où la vie tient davantage de la survie, où les conventions ont broyé les
gens pour en faire des pantins désarticulés. Dans cet océan de noirceur surnage Vernon Subutex, dernier représentant d’une époque désormais révolue. En passant de l’autre côté de l’écran, les mots de Despentes ont quelque peu perdu de leur superbe, malgré une volonté évidente de la créatrice Cathy Verney de rester fidèle au matériau d’origine, notamment à travers sa planante bande originale. Verney a décidé d’édulcorer la hargne des déambulations parisiennes de Vernon pour se concentrer – dramaturgie télévisuelle oblige – sur l’aspect polar. Un choix à double tranchant tant cette adaptation gagne en efficacité (neuf épisodes de trente minutes) ce qu’elle perd en incandescence, ne retrouvant que partiellement l’atmosphère fiévreuse du Paris des années 1990. Et si Vernon Subutex peut déconcerter dans sa propension à sacrifier des personnages ou sousintrigues, la série a au moins le mérite d’aller droit à l’essentiel, sans jamais perdre de vue son objectif. À cela s’ajoute la présence d’un Romain Duris absolument génial dans le rôle-titre. Tour à tour solaire et pathétique, il irradie les neuf épisodes de sa présence électrique, au point qu’il sera désormais impossible de lire les romans de Despentes sans voir son visage.
Depuis le 8 avril sur MyCanal et disponible en DVD et Blu-ray dès le 24 avril chez Studio Canal.