SEXE, DOGUES ET ROCK’N’ROLL
Méfiez-vous des apparences : s’il est question de l’auteur d’American Psycho dans le titre de ce roman très « latino », c’est une fausse piste. D’autant que celle qui en est à l’origine, Lina Wolff, est… suédoise !
On baptise souvent les rues du nom d’un écrivain célèbre ; mais il est plus rare que ces patronymes prestigieux soient attribués à des chiens. C’est pourtant le cas au chenil décrit dans le curieux roman de Lina Wolff. Cet établissement animalier – qui dépend d’un bordel –, est peuplé de nombreux bâtards, uniquement des mâles, qui s’appellent Dante, Chaucer, ou Bret Easton Ellis. Mais l’histoire de ce toutou gris n’est ici que très anecdotique, une autre figure des lettres s’avérant bien plus essentielle : l’écrivaine barcelonaise (fictive) Alba Cambó. Celle-ci fascine ses voisines,
une apprentie traductrice, Araceli, et sa mère. Et elles en entendent, des choses ; elles en lisent, aussi, à l’image des nouvelles de l’écrivaine en question – l’une d’elles, intitulée « Histoire de Luci » est d’ailleurs au coeur du roman ! Toute une galerie de personnages étonnants vont ainsi graviter autour d’Alba et d’Araceli – Blosom, Valentino, une professeure nommée madame Moreau, Muriel, Paco, Illich, Rodrigo, Encarnacion et tant d’autres…Mais, comme dans de nombreux romans d’inspiration latine (à la Borges ou à la Bolaño), l’intrigue compte moins que les déambulations, que les jeux avec les personnages et les situations – en particulier dès qu’il est question d’humiliation et de « domination » masculine. Ironie, c’est une romancière suédoise, Lina Wolff (Les Amants polyglottes), qui s’est ici amusée à brouiller les cartes avec Bret Easton Ellis et les Autres Chiens. On peut naturellement se perdre dans cette divagation touffue ; on peut aussi s’amuser de ces malicieux tours de passe-passe, à la fois théoriques et plus engagés qu’ils n’en ont l’air.
B.L.
HHIII Bret Easton Ellis et les Autres Chiens (Bret Easton Ellis och de andra hundarna) par traduit du suédois par Anna Gibson, 320 p., Gallimard, 21,50 €