Nous, l’Europe. Banquet des peuples
BANQUET DES PEUPLES
LEurope ennuie. « Trop lointaine, désincarnée », elle pourrait bien s’éteindre à force d’indifférence. En dressant ce constat dès l’abord de son poème épique, Laurent Gaudé expose la difficulté du défi qu’il s’est fixé : susciter de l’intérêt et de l’engouement à partir d’une institution qui fait largement bâiller, en dépit des élections fin mai, de la menace conjointe du Brexit et de la montée des populismes. Mais s’il ne semble pas y avoir de pilote pour sauver le vaisseau Europe, il y a un poète. « Les mots de la littérature, peut-être, peuvent replacer au coeur du récit la conviction et l’élan sans lesquels rien ne se fait », affirme l’auteur. D’après Laurent Gaudé, c’est parce qu’on l’a oublié qu’on ne la comprend plus, qu’elle nous fatigue. Dans les seize poèmes qui constituent Nous, l’Europe
– « Si vieux si jeunes », « Charbon Lumière », « Indésirables », etc. –, l’auteur du Soleil des Scorta raconte la naissance de l’utopie européenne dans les barricades du Printemps des peuples, la révolution industrielle, la Grande Guerre, la montée du fascisme et du nazisme, la Seconde Guerre mondiale, le retour des déportés, les premiers traités européens, le Mur de Berlin, Mai-68, l’effondrement des dictatures… Jusqu’au dernier poème, « Grand banquet », sorte de bouquet final et d’exhortation à agir, par l’Europe et pour l’Europe, sur lequel plane la phrase de Frantz Fanon dans Les Damnés de la Terre : « Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. »
* À noter l’adaptation théâtrale de Nous, l’Europe, présentée du 6 au 14 juillet, lors du prochain Festival d’Avignon, dans une mise en scène de Roland Auzet.