SOCIÉTÉ/HISTOIRE
Reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes de la Chine, Léon Vandermeersch condense le fruit de toute une vie de travail consacrée à ce pays et à sa culture.
Depuis les lettres édifiantes et curieuses des missionnaires jésuites, publiées au xviiie siècle, la Chine fascine l’Occident. Entre les traits de pinceau de la calligraphie chinoise, nous guettons la promesse d’un ailleurs, une alternative à la sèche rationalité. Il faut beaucoup de science pour éviter cet usage douteux que nous faisons de la Chine depuis Voltaire, qui n’aide personne et fait sourire Tchang, l’ami de Tintin. Cette science, Léon Vandermeersch, 91 ans, l’un des plus grands sinologues français, y a consacré sa vie, récoltant quelques certitudes et beaucoup de sagesse. Au lieu d’accentuer les différences, Vandermeersch remonte à des vérités universelles que la culture chinoise ancienne nous amène à retrouver ou à interpréter différemment. Dans un format étonnement bref – où la pensée est parfois à l’étroit –, ce livre-testament, synthèse d’une vie de recherche, explore trois domaines dans lesquels la Chine diffère de l’Occident : le langage, avec l’invention d’une lange graphique ; la société, avec la formation d’une aristocratie de lettrés ; et l’existence, avec la fondation d’une religion fondue dans
la société par le biais du rite (le confucianisme). Mais il sera tout autant question d’art, de paysage, de politique ou encore du rapport à la mort. Le premier chapitre de Ce que la Chine nous apprend, remontant à l’art divinatoire ancien, est le plus ardu et ne doit pas rebuter le lecteur qui aurait tort de se priver des magnifiques analyses qui suivent, sur le capitalisme chinois contemporain ou sur le sens de la transcendance dans le taoïsme. La leçon finale – sur la réalité et ses ombres – est limpide, comme l’encre sur soie Cascade du peintre Wang Wei (période de la dynastie Tang : 618-907), reproduite dans le cahier central. La rigueur et la sobriété de Vandermeersch ne nous empêcheront pas d’apprécier Le Lotus bleu ni de lire François Jullien, mais cela nous rendra assurément un peu plus proches de la Chine, si proche finalement.