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SOCIÉTÉ/HISTOIRE

Reconnu comme l’un des meilleurs spécialist­es de la Chine, Léon Vandermeer­sch condense le fruit de toute une vie de travail consacrée à ce pays et à sa culture.

- Philippe Chevallier

Depuis les lettres édifiantes et curieuses des missionnai­res jésuites, publiées au xviiie siècle, la Chine fascine l’Occident. Entre les traits de pinceau de la calligraph­ie chinoise, nous guettons la promesse d’un ailleurs, une alternativ­e à la sèche rationalit­é. Il faut beaucoup de science pour éviter cet usage douteux que nous faisons de la Chine depuis Voltaire, qui n’aide personne et fait sourire Tchang, l’ami de Tintin. Cette science, Léon Vandermeer­sch, 91 ans, l’un des plus grands sinologues français, y a consacré sa vie, récoltant quelques certitudes et beaucoup de sagesse. Au lieu d’accentuer les différence­s, Vandermeer­sch remonte à des vérités universell­es que la culture chinoise ancienne nous amène à retrouver ou à interpréte­r différemme­nt. Dans un format étonnement bref – où la pensée est parfois à l’étroit –, ce livre-testament, synthèse d’une vie de recherche, explore trois domaines dans lesquels la Chine diffère de l’Occident : le langage, avec l’invention d’une lange graphique ; la société, avec la formation d’une aristocrat­ie de lettrés ; et l’existence, avec la fondation d’une religion fondue dans

la société par le biais du rite (le confuciani­sme). Mais il sera tout autant question d’art, de paysage, de politique ou encore du rapport à la mort. Le premier chapitre de Ce que la Chine nous apprend, remontant à l’art divinatoir­e ancien, est le plus ardu et ne doit pas rebuter le lecteur qui aurait tort de se priver des magnifique­s analyses qui suivent, sur le capitalism­e chinois contempora­in ou sur le sens de la transcenda­nce dans le taoïsme. La leçon finale – sur la réalité et ses ombres – est limpide, comme l’encre sur soie Cascade du peintre Wang Wei (période de la dynastie Tang : 618-907), reproduite dans le cahier central. La rigueur et la sobriété de Vandermeer­sch ne nous empêcheron­t pas d’apprécier Le Lotus bleu ni de lire François Jullien, mais cela nous rendra assurément un peu plus proches de la Chine, si proche finalement.

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Pékin, le temple du Ciel, en 1890.
 ??  ?? HHHII Ce que la Chine nous apprend. Sur le langage, la société, l’existence par Léon Vandermeer­sch, 176 p., Gallimard, 19,50 €
HHHII Ce que la Chine nous apprend. Sur le langage, la société, l’existence par Léon Vandermeer­sch, 176 p., Gallimard, 19,50 €

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