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Colbert était-il un affairiste ?

Comme dans ses deux précédents ouvrages sur le célèbre ministre, l’historien Daniel Dessert continue de défaire la réputation du grand argentier de Louis XIV.

- Emmanuel Hecht

Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) a bien été l’un des héros de la IIIe République, grâce aux louanges tressées par l’historien officiel Ernest Lavisse. Le régime se reconnaiss­ait dans le bien-fondé des principes colbertien­s, et saluait l’ascension sociale du fils d’un drapier de Reims, qui, à force de travail et de talent, s’était hissé au premier rang.

Le contrôleur général des finances de la monarchie avait même donné son nom à un substantif en « isme » : le « colbertism­e ». Un privilège habituelle­ment réservé aux militaires entrés en politique comme Bonaparte, Boulanger, Pétain, de Gaulle. Et si toute cette renommée relevait de l’imposture ? Et si le « grand commis » était un affairiste concentran­t entre ses mains la réalité du pouvoir, aux dépens de Louis XIV ? Et si l’absolutism­e royal était un mythe ? Telle est la thèse exposée dans le troisième livre de Daniel Dessert, Colbert ou le Mythe de l’absolutism­e, qui suscitera des réactions.

Le ministre est une obsession de l’historien, auteur du classique Argent, pouvoir et société au Grand Siècle (1984). Déjà, en 1975, il corédigeai­t dans les Annales un article à charge : « Le lobby Colbert : un royaume ou une affaire de famille ? ». Revenant ici sur son enrichisse­ment, la confusion entre prospérité publique et fortune privée, l’éliminatio­n de Fouquet, la constituti­on et l’emprise de son clan, « première ébauche de la technostru­cture » , Dessert enfonce le clou. Louis XIV était sur la défensive. Depuis Mazarin, il s’était vu imposer des équipes ministérie­lles et des grandes lignes politiques, démentant le principe d’une monarchie de droit divin. Versailles était devenu son refuge. « L’État, c’est moi » , c’était en fait lui, le factotum. Saint-Simon avait vu juste : les ministres décidaient, et le Roi-Soleil, lui, avalisait. Colbert ou le Mythe de l’absolutism­e par Daniel Dessert, 320 p., Fayard, 22 €

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Jean-Baptiste Colbert (1655), par Philippe de Champaigne.

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