Guy Lagache*
Le journaliste, et désormais primo-romancier, se souvient de sa découverte de La Fête au Bouc de Mario Vargas Llosa, qui l’a, inconsciemment, influencé dans son travail d’écriture.
Lors de la rédaction de mon premier roman m’est revenu en mémoire La Fête au Bouc. Je l’avais découvert une quinzaine d’années plus tôt, fasciné par sa capacité à immerger son lecteur au coeur d’un régime dictatorial et dans le quotidien de personnages en lutte contre ce pouvoir. Le roman dépeint les derniers jours du président de la République dominicaine Rafael Trujillo, assassiné en 1961 après trente ans de dictature, à travers les points de vue d’une jeune femme ayant fui son pays, du tyran en personne et de quatre dissidents préparant son assassinat. La manière dont Vargas Llosa parvient à rendre compte d’un système organisé pour annihiler tout sens critique, et dont la survie dépend de sa capacité à terroriser, est prodigieuse. Le masochisme qui imprègne les rapports humains, favorisé par l’arbitraire des arrestations et des exaction, ainsi
que l’assouvissement sexuel, sont absolument glaçants. En choisissant ces événements historiques comme trame, Vargas Llosa a écrit un chefd’oeuvre absolu. Il m’a, en cela, accompagné dans la rédaction de mon ouvrage, dont l’intrigue s’ouvre sur la débâcle de 1940, vécue depuis les salons du consulat de France en Chine. À mon sens, le récit romanesque est le plus adapté pour nous plonger dans une époque, quelle qu’elle soit. Et, pour La Fête au Bouc, de nous faire entrer dans le crâne d’un dictateur et de son entourage, de décrypter la pression psychologique que tout régime autoritaire instaure sur une société. En tant que journaliste, j’ai également été sensible à la narration, au style direct du récit, en ce qu’il rend de manière oppressante la violence et la peur, au fondement de toute dictature. *Livre paru : Une histoire impossible (Grasset)