T’as de beaux livres, tu sais !
Avec son nom enchanteur et son cadre idyllique, la librairie strasbourgeoise Quai des Brumes* accueille ses lecteurs dans un décor aérien, où la littérature engagée a une place de choix.
Désormais sise en plein centre de Strasbourg, au 120 Grand’Rue, la librairie de Sébastien Le Benoist est impossible à éviter. Son nom, Quai des Brumes, rappellera à certains l’angoissante allée des Embrumes, cette ruelle malfamée chère à J.K. Rowling. D’autres se remémoreront le célèbre roman de Pierre Mac Orlan, adapté par Marcel Carné. En apprenant que l’auteur avait pris l’habitude de fréquenter les quais des Bateliers, près de l’emplacement original, les anciens propriétaires, Francis et Sylvie Bernabé, décidèrent de baptiser ainsi leur lieu. C’était en mai 1984. Vingt ans plus tard, l’enseigne déménage dans le centre, et Sébastien intègre l’équipe. « Dans l’imaginaire strasbourgeois, précise- t- il, nous sommes passés d’une librairie atypique dans un quartier étudiant à un espace beaucoup plus attractif, par sa visibilité et son aménagement. » Dans ces nouveaux murs, ils
gagnent définitivement au change, passant d’une surface de 90 à presque 200 mètres carrés, dans un authentique hôtel particulier. Moulures et peintures d’époque, cour intérieure où pousse la vigne : le cadre enchanteur offre à l’établissement un cachet unique, qui ravit les visiteurs. Depuis qu’il a repris les rênes de la librairie en 2014, avec son associé Arnaud Velasquez, Sébastien a fidélisé son lectorat, en misant, notamment, sur la qualité des aménagements. Les deux compères ont ainsi opté pour une atmosphère épurée et un arrangement sobre, en tâchant d’en faire « un endroit où l’on respire », troquant l’espace de vente pour un univers de découvertes. C’est aussi un lieu de rencontres, qui compte sept employés passionnés. Lorsque l’on demande à Sébastien son secret, lui qui semble tout gérer avec un calme olympien, nous livre sa recette : « Il faut une parfaite alchimie entre la rigueur de la gestion et le quotidien volontairement plus enthousiaste, plus léger. L’un ne va pas sans l’autre, c’est parce qu’on a une équipe qui s’entend très bien qu’il y a toujours du monde ici. »
UNE ENSEIGNE MILITANTE
Seul bémol à cette prospère entreprise, la clientèle étudiante qui « pêche un peu »,
préférant volontiers de plus grosses enseignes comme la fameuse librairie Kléber. Pour attirer ce lectorat, l’équipe collabore régulièrement avec de jeunes militants et des associations, comme La Station, le centre LGBTI de la ville. Dans les rayons, une place importante est accordée aux thématiques fortes comme le genre, le féminisme, la question noire ou sociale. « Il est important pour nous d’avoir une littérature militante, et c’est assumé historiquement. » , nous confirme Sébastien Le Benoist. En parallèle, des clubs de lecture et des rencontres sont organisés. Aussi, pour se démarquer de la
concurrence, on y propose une rentrée littéraire différente, avec des parutions alternatives permettant de faire entendre des voix minoritaires. Ce parti pris, c’est leur ADN. « Si vous ouvrez le livre d’or de la librairie, vous trouverez des commentaires sur les premières rencontres de Philippe Claudel ou d’Erri De Luca. Depuis toujours, nous invitons des plumes singulières qui, un jour peut-être, seront lues massivement », nous rappelle le libraire. Autant de raisons suffisantes pour profiter d’une éclaircie afin de se ruer à Quai des Brumes.
* 120 Grand’Rue, 67000 Strasbourg. Ouvert le lundi de 14 h à 19 h, du mardi au samedi de 10 h à 19 h. quaidesbrumes.com