Sous le plafond des phrases
Lauréat du Prix Goncourt de la poésie 2019 pour l’ensemble de son oeuvre, le Breton Yvon Le Men interroge le monde en faisant s’entrechoquer les mots.
« O n touche ici le secret du poème : le tremblement de la vie dans son nom, celui de l’enfant dans son prénom. Comme si notre oeil pressentait que regarder c’est toujours regarder une première fois, pour la dernière fois. » Dans sa trilogie poétique Les continents sont des radeaux perdus, le poète Yvon Le Men, né en 1953 à Tréguier, se raconte à partir des paysages de sa Bretagne familiale ( « les livres ont multiplié par vingt la surface du hameau ») jusqu’aux pistes du large monde qu’il habite, en voyageur assoiffé de rencontres, ouvert à tous les vents. Qu’ils se logent dans une paire de mains qui tend et plie du linge, dans la mince silhouette d’une vieillarde assise sur une plage des Côtes d’Armor, dans la plaisanterie d’un vendeur de l’aéroport de Doha, ou à bord d’un train bulgare « qui va de Cluj-Napoca à Timisoara », ses poèmes respirent une quiétude où se déploient des instants généreux, contemplatifs, toujours accessibles. « J’ai écrit 50 livres / etje ne sais pas / écrireune
lettre / derecours / gracieux», confesse-t-il dans En fin de droits, un court recueil dans lequel il raconte sa radiation de Pôle emploi, et le questionnement intérieur qui a suivi cette remise des « conteurs à zéro ». Attaché à l’écriture autant qu’à la lecture en public, il a créé l’événement Il fait un temps de poème. Chaque année, ce festival breton reçoit des poètes du monde entier. Livre après livre, son stylo traque et capte sur sa page ces moments qui durent, « ne serait-ce qu’un instant, dans les yeux du voyageur, du lecteur, quand il entend les images faire des mots dans ses yeux ».