L’enfer à la plage
Entre roman d’aventures à hauteur d’homme et charge contre les bombardements alliés sur les civils, Giles Milton et Stephen A. Bourque proposent un nouveau regard sur le Jour J.
Donald Trump serait bien avisé d’aborder les cérémonies du 75e anniversaire du Jour J par la lecture de D-Day. Les Soldats du débarquement. Le journaliste anglais Giles Milton a réussi le tour de force d’y raconter l’épisode à hauteur d’homme. S’il évoque, bien sûr, les figures d’Eisenhower, commandant suprême des forces alliées ou de Rommel, commandant du front de l’Atlantique, les débats stratégiques et les problèmes logistiques, toute son attention est happée par les centaines de témoignages sur la vie quotidienne, en ce début de juin 1944. Ainsi le récit s’ouvre-t-il sur Fräulein Eifler, chargée des transmissions pour la Luftwaffe à l’abbaye aux Dames à Caen ; George Lane, Juif hongrois, ancien joueur de water-polo et commando britannique ; Irmgard Meyer, épouse d’un officier d’une Panzerdivision ; Guillaume Mercader, champion cycliste et agent de la Résistance… Choral, l’essai est mené avec une rare maîtrise.
UNE QUESTION LONGTEMPS TABOUE
Il faudra encore trois cent cinquante-cinq jours de combat avant la capitulation de l’Allemagne. Et des milliers de victimes, y compris civiles. Pour les seuls 6 et 7 juin, 3 000 Normands meurent ; 60 000 à la fin de l’été. Ce terrible bilan justifie, aux yeux de l’historien américain Stephen A. Bourque, la formule de « guerre des Alliés contre la France », sous-titre évocateur d’Au- delà des plages. Cette question, longtemps taboue, avait été mise en lumière par les historiens Jean Quellien et Andrew Knapp. Jusqu’à ce que la République, par la voix de François Hollande, reconnaisse, le 6 juin 2014, que « le sacrifice des populations normandes s’est longtemps effacé derrière l’héroïsme des soldats du débarquement ».