Ah ça ira, les filles !
De la salonnière à l’émeutière, de l’Ancien Régime à la Restauration, Christine Le Bozec analyse le rôle des femmes dans la Révolution et écorne les images d’Épinal.
Les femmes du xviiie siècle étaient libérées et la Révolution les a mises sous tutelle ! L’historienne Christine Le Bozec promet, dès l’introduction de son ouvrage Les Femmes et la Révolution. 1770-1830, de s’attaquer à ce « cliché désormais solidement établi ». Certes, les salonnières – telle Madame du Deffand, proche de Voltaire – ont eu de l’influence, mais ces mondanités étaient réservées à une élite. La femme de l’Ancien Régime n’a pas de droit. Elle est exclue de la vie publique. Les événements de 1789 à 1795 forment une parenthèse. Beaucoup se sont engagées « dans le
processus global » de la Révolution. Lorsque les premières revendications en faveur d’une émancipation se font entendre, la majorité des femmes s’insurgent contre les vaniteuses créatures qui parlent en leur nom. Si elles ont pris part aux révoltes, ce sont pour des raisons concrètes : survivre et remplir le ventre de leurs bambins affamés.
L’oeuvre des pionnières du féminisme porte cependant ses fruits. Au début des années 1790, les femmes obtiennent des droits, dont celui de divorcer. Mais il faut croire que les hommes se sont sentis menacés par celles qui leur disputaient la parole sur les estrades ou qui se montraient plus braves sur le champ de bataille. Un vaste mouvement renvoie les dames aux pénates avant la fin des années 1790. La Révolution cède le pas « à un embourgeoisement puritain ». Les mères quittent la scène politique, convaincues que leur foyer est leur seule place, comme le veut la culture de l’époque. Au mieux, sous le Directoire, elles sont des « parures » au bras des hommes. Les droits acquis reculent sans que la poignée d’irréductibles pionnières puisse agir. Le Code Napoléon de 1804 plante le dernier clou dans le cercueil de leur émancipation mort-née. Elles redeviennent d’éternelles mineures. Il faudra attendre de nouveaux esprits libres, comme George Sand, pour que la critique du mariage fasse germer les fleurs de l’autonomie.