Aux origines du vivant
Thomas Heams décrypte, dans un essai de haut vol, les différentes théories et recherches qui agitent le monde scientifique autour des mystères de la vie.
Comment passer de la matière inerte à la matière vivante ? Des générations de chercheurs se sont acharnées à découvrir ce mystère, le plus intrigant de notre monde. D’aucuns ont cherché la réponse au fond des abysses, autour des sources chaudes hydrothermales, d’autres dans les lacs glacés de l’Antarctique ou sur la neige sale des météorites. Beaucoup, dans leurs laboratoires, ont réalisé d’improbables expériences sans trouver le point où le minéral laisse la place au biologique. Thomas Heams, spécialiste de la génomique animale et de l’histoire des idées scientifiques, fait un état des lieux de cette quête. Dans Infravies, un ouvrage dense et complexe, il raconte les théories et les travaux pratiques qui
jalonnent ce parcours. Il s’interroge sur le bien-fondé de sa démarche et sur celle des experts qu’il scrute de près. Heams critique la biologie de synthèse, tout en exposant les problèmes éthiques posés par cette technologie. Il faut accepter, dit-il, que le vivant ne soit qu’une cible mouvante, ce que les machines ne sont pas.
LE COSMOS, UN LABORATOIRE NATUREL
L’auteur, qui a codirigé la série d’ouvrages Les Mondes darwiniens, et qui a enseigné les biotechnologies et l’histoire des idées scientifiques, exige beaucoup de ses lecteurs. Ceux-ci doivent être férus de biologie mais aussi de physique, d’astrophysique, de philosophie et d’histoire pour ne pas se perdre dans les débats autour de l’exobiologie du vivant. Pour Heams, notre planète, et même le cosmos tout entier, représente un laboratoire naturel d’ « infravies » . Mars ou Titan pourraient nous en apprendre beaucoup sur la naissance de la vie, aux confins de la chimie. Face à la vision mécaniste du vivant, défendue par certains et que l’auteur récuse, il faut progresser dans la recherche sur les minicellules bactériennes ou sur les liens entre cellules et organismes entiers. Il explique les avantages et dangers de « l’homme augmenté ». Et Heams de conclure : « le vivant est une histoire, un collectif, un désordre et une fragilité ». Infravies. Le vivant sans frontières par Thomas Heams, 192 p., Seuil, 20 €