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De l’effroi au rire

- PAR DOMINIQUE PONCET

La Comédie- Française est le terrain de « jeu » des metteurs en scène les plus innovants. Et sa troupe, unique en France, aime s’engouffrer dans ce qui se fait de plus original et de plus décapant.

C’est le cas avec Électre/ Oreste, d’Ivo van Hove, un spectacle conjuguant les deux pièces d’Euripide. Le décor et la mise en scène du Flamand subjuguent le public de la salle Richelieu. Cerné par des rideaux de cordes et par une rangée de timbales, le plateau est couvert d’une épaisse boue grasse. En son centre, un cube gris percé d’une porte par laquelle entrent et sortent

les personnage­s. Un paysage de l’enfer où se déroulent les deux tragédies grecques. Dans la première, Électre (Suliane Brahim, déterminée et intense) conjure son frère de tuer leur mère Clytemnest­re et son amant Égisthe. Oreste (Christophe Montenez, halluciné, dévasté) s’exécute et revient maculé de sang. Dans la seconde, le frère et la soeur redoublent de fureur meurtrière. Seul Apollon mettra fin à cette spirale de violence. Ce spectacle, ramassé en deux heures, se joue sous haute tension. Noirceur glauque du décor, effets de lumière et de musique spectraux, ton guttural des comédiens, traduction ( par Marie Delcourt-Curvers) écrite à la pointe d’un couteau. Le tout pourrait être insoutenab­le, mais les danses tribales au rythme des timbales (tel le Nô japonais), les maquillage­s sanguinole­nts évoquant les films gore nous rappellent que nous sommes au spectacle. Née dans la nuit des temps, la tragédie continue d’avancer, ce sont seulement ses masques qui changent.

Dans un tout autre genre, la Maison de Molière reprend L’Hôtel du Libre- Échange de Georges Feydeau. Mise en scène par Isabelle Nanty, la pièce est un petit bijou où tout étincelle : les comédiens ( libres, audacieux, excellents), les décors et les costumes (signés Christian Lacroix), et le texte, d’une cocasserie explosive.

Électre/Oreste, d’Euripide, mise en ■ scène par Ivo van Hove ; la ComédieFra­nçaise, Paris 1er. Jusqu’au 3 juillet, en alternance, du lundi au vendredi à 20 h 30, le samedi à 14 h ou à 20 h 30, le dimanche, à 14 h.

L’Hôtel du Libre-Échange, de ■ Georges Feydeau, mise en scène par Isabelle Nanty. Jusqu’au 29 juillet, en alternance, du lundi au vendredi et dimanche à 20 h 30, le samedi à 14 h ou à 20 h 30.

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Électre/Oreste, le 25 avril 2019, à la Comédie-Française.

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