En ces lieux ceints
Deux monuments – une église et un monastère – sont respectivement au coeur du premier roman d’Aly Deminne et du nouveau livre de René Frégni. Avec, pour cadre, des villages reculés.
Les Bâtisseurs du vent est un conte hors du temps, et pourtant d’une actualité saisissante. Sa thématique sur des exilés en Europe résonne avec les tragédies des migrants, quand son histoire centrale – la reconstruction d’une église – fait écho à l’incendie de Notre-Dame de Paris. Son auteure, Aly Deminne, est une jeune Belge d’une trentaine d’années, traductrice et interprète de langues slaves. C’est d’ailleurs en Europe de l’Est que se situe son premier roman.
Au milieu des années 1960, le Russe Maksim Voronov quitte l’Union soviétique, avec son jeune fils Andreï. Direction l’ouest. Épuisés, ils s’arrêtent « aux abords d’une frontière, dans une plate campagne ». Nous ne connaîtrons pas le nom de ce pays qui « les accueillit mollement. Époque oblige, et Histoire surtout, l’endroit acceptait toutes paires de bras prêtes à aider ». Ils resteront à jamais dans ce bourg, refoulés dans les bas-fonds, comme d’autres errants italiens, ukrainiens, ouzbeks et algériens. Tous finissent par constituer « le peuple misère ». Une nuit d’été, la foudre démolit l’église. Bourgmestre, apothicaire, prêtre vont contraindre les exilés à la reconstruire en quelques mois. Fou, social, politique, féerique, ce récit narre la vie de damnés qui, pierre après pierre, entrevoient le ciel et la liberté. Porté par
une écriture tendre et radicale, ce conte est intemporel, et donc actuel.
COULEURS PROVENÇALES
Au début, Dernier arrêt avant l’automne ressemble aux précédents livres de René Frégni : le narrateur est un écrivain en panne d’inspiration, il aime les endroits reculés, et est rattrapé par un fait divers. Pourtant, son nouveau roman est différent. Le lieu, déjà : un monastère, dont le protagoniste est le gardien et le jardinier depuis six mois. Mais, rapidement, des signes étranges viennent inquiéter sa solitude : un chat errant, un ouvrier qui vient rebâtir le cloître, des gitans menaçants et… une jambe, qu’il déterre en débroussaillant ! Le temps de quérir les gendarmes et le morceau de cadavre a disparu. L’affaire vire au paranormal, et le lieu sacré se révèle hanté.
Découpée en sept parties pleines de rebondissements, l’intrigue semble parfois trop corsetée, mais Frégni parvient à la faire respirer en donnant une importance saisissante aux paysages, aux couleurs et aux sensations de l’arrière-pays provençal, qui, avec ce mystérieux monastère, donne le rythme et la saveur au roman.