HOMES SWEET HOMES
Pourquoi partir pour des contrées lointaines ? Le livre d’Évelyne Bloch-Dano prouve qu’une maison d’écrivain peut procurer un plus grand dépaysement qu’un vol long-courrier.
Si l’habit ne fait pas le moine, certains écrivains ont su transformer leur maison en oeuvre à part entière, frappée du sceau de leur singularité. Quand vous allez chez Hugo à Hauteville House, par exemple, vous êtes subjugué par sa mégalomanie, son côté bigger than life. Chez Beckett, à l’inverse, c’est l’ascèse qui saisit. Dans le petit appartement parisien de Vian, enfin, c’est la poésie foutraque qui émeut. À chaque écrivain son style, simple ou baroque, kitsch ou classique. Notons qu’il y a souvent une mise en scène de soi-même : Cocteau, Loti ou Rostand avaient inventé, tous les trois, des maisons théâtrales, flamboyantes. Mais, quand on découvre leur chambre, il y a de quoi tomber de sa chaise : lit simple, décoration épurée à l’extrême, une vraie cellule de moine. Rien de surprenant, en réalité : la maison peut aussi être un jeu, un énième moyen de rester masqué… Le charme du livre d’Évelyne Bloch-Dano tient à sa manière sensible de rendre palpable le mystère et la magie des lieux. Bien qu’elle les ait écrites sur un ton allègre et spirituel, ces visites finissent par serrer le coeur : cet art de vivre ne s’est-il pas perdu ? On doute que la tour sinistre où réside Michel Houellebecq, dans le 13e arrondissement parisien, suscite un jour les mêmes rêveries que le Nohant de George Sand. Ces maisons devraient être prescrites en lieu et place des antidépresseurs. Pourquoi se shooter à la sérotonine quand existe la glycine du jardin de Colette ?
L.-H. L.R.