Quand tout bascule
Depuis Le Dîner, en 2011, le romancier et satiriste néerlandais Herman Koch scrute les moeurs et la morale occidentales avec intelligence et piquant.
Obsédée par les apparences et le contrôle, mais persuadée de sa vertu, la société néerlandaise est de nouveau autopsiée par Herman Koch. Son nouveau roman, Le Fossé, commence au cours d’une réception à la mairie d’Amsterdam. L’édile sexagénaire aperçoit sa charmante épouse discuter, puis rire aux éclats, avec un adjoint. Et si elle le trompait ? Comment devrait-il réagir ? Tandis qu’il se repasse le film de son mariage, son quotidien lui échappe, comme aspiré dans une folle semaine : l’enterrement d’un collègue qui s’est suicidé après la révélation de ses malversations à la mairie ; son père de 95 ans lui annonçant que sa mère et lui ont décidé de se suicider, afin de quitter ce monde en bonne santé ; l’exhumation de clichés le montrant, plus jeune, agresser un policier dans une manifestation.
Le talent manipulateur d’Herman Koch réside dans l’accumulation de détails, si passionnants qu’on oublie ce que le narrateur omet… peut-être sciemment. Et la comédie de moeurs se meut en thriller. Jusqu’où sommesnous prêts à aller pour sauver notre statut social, notre famille et notre couple ? Telle est la question qu’il faudrait garder à l’esprit en lisant l’auteur batave. Cette intrigue, brillamment ficelée, est portée par la voix entêtante et les sarcasmes d’un narrateur, qui pourrait sortir de l’oeuvre de Thomas Bernhard. L’écrivain nous fait rire, frémir et réfléchir avec ce que nous avons de plus intime : notre conscience.