Binyavanga Wainaina, l’ange de l’Afrique
Écrivain reconnu et militant homosexuel engagé, le Kényan est mort à l’âge de 48 ans.
Si la disparition de Binyavanga Wainaina, fin mai dernier, a été largement relayée par les médias, rares sont les Français qui ont lu l’écrivain kényan. Rien d’étonnant : très peu de ses textes ont été traduits. Et ce, en dépit de l’immense popularité dont jouissait l’auteur, distingué par le prix Caine, l’une des plus prestigieuses récompenses pour la littérature africaine en langue anglaise.
Quand il le reçoit en 2002, Binyavanga Wainaina est journaliste indépendant en Afrique du Sud, où il a fait ses études. Avec l’argent du prix, il fonde la revue
littéraire Kwani puis la maison d’édition Kwani Trust, qui joueront un rôle majeur dans la découverte de jeunes talents africains. Le succès public arrive pour Wainaina avec How to Write About Africa, un article satirique paru en 2005 dans la revue Granta. Il faut attendre 2013 pour le lire en français dans l’anthologie L’Afrique qui vient (Hoëbeke). « Dans votre texte, traitez l’Afrique comme si elle ne formait qu’un seul pays. Une ambiance chaude et poussiéreuse, savane à perte de vue et immenses troupeaux d’animaux, sans oublier des personnes de haute taille, maigres et affamées ; ou bien une atmosphère chaude et humide, avec des gens très petits qui mangent du singe. Ne vous encombrez pas de descriptions précises. L’Afrique est gigantesque : cinquante-quatre pays, neuf cents millions d’habitants trop occupés à mourir de faim, à faire la guerre ou à émigrer pour lire votre bouquin », écrivait-il.
En 2011, Wainaina signe un récit autobiographique, One Day I Will Write About This Place, salué à la fois par la presse et par des écrivains comme Colum McCann et son compatriote nobélisable Ngugi wa Thiong’O. Trois ans plus tard, en réaction à une loi anti-homosexualité votée au Nigeria, il fait son coming-out sur Internet dans une nouvelle dédiée à sa défunte mère, « Je suis homosexuel, maman » . Elle provoquera un débat virulent au Kenya, où une loi datant de la période coloniale criminalise l’homosexualité, la rendant passible de prison.
Écrivain, éditeur et satiriste génial, icône de la cause LGBT, Binyavanga Wainaina avait annoncé en 2018 vouloir épouser son partenaire en Afrique du Sud. Affaibli par une crise cardiaque et atteint du sida, il est mort avant, à l’âge de 48 ans.
Gladys Marivat