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Acteurs singuliers

- PAR DOMINIQUE PONCET

Quand le rideau se lève, rouge comme la couleur de la robe qu’elle choisira de porter pour se présenter, dans quelques heures, à son bourreau, la reine Marie Stuart (1542-1587), ou celle qui l’incarne ici, est seule en scène. Sous le fracas d’une musique lancinante, la future suppliciée reste immobile un long moment. Elle n’apparaît dans la pleine lumière que lorsqu’elle sort de son silence, avec cette phrase tranchante : « J’étais capable de cruauté. » Vêtue d’une robe élisabétha­ine d’un mordoré somptueux, elle égrène ses souvenirs. Tantôt figée dans un hiératisme magnétique, tantôt le corps tout entier secoué

de gestes et mouvements saccadés, cette reine bientôt décapitée vocifère en sur-articulant. Sous l’effet de leur débit accéléré, rendus d’autant plus incompréhe­nsibles que noyés dans la sonorité excessive de la musique, ses mots ne vont pas, ou trop peu, parvenir au spectateur. C’est dommage, car, dans cet exercice casse-cou de « déréalisat­ion » d’un texte, Isabelle Huppert, qui joue ici Marie Stuart, est prodigieus­e de bravoure, d’engagement et d’héroïsme. Qui d’autre que cette interprète, immense et intrépide, aurait pu réussir à clouer d’admiration l’auditoire, avec un spectacle qui, en dépit de son indéniable beauté formelle – mise en scène et lumières sont signées Bob Wilson – tape autant sur les nerfs. Pour elle, rien que pour elle, ce Mary Said What She Said (joué en Français) vaut le déplacemen­t.

Sur la minuscule scène du Théâtre de PocheMontp­arnasse, Francis Huster est lui aussi seul en scène dans Bronx, face à un autre défi : jouer un texte qui, situé dans l’Amérique mafieuse des années 1960, fait revivre dix-huit personnage­s. Et ce, par la grâce d’un monologue raconté, théoriquem­ent, par un gamin de 9 ans. Maestria, engagement, folie… Le comédien laisse pantois.

Aux deux extrémités du spectre du jeu théâtral, Isabelle Huppert et Francis Huster : d eux interprète­s magistraux et si différents.

Mary Said What She Said, de Darryl Pinckney, mis en scène par Robert Wilson. Théâtre de la Ville, espace Pierre Cardin, Paris 8e. Du lundi au samedi à 20 h, le dimanche à 16 h. Jusqu’au 6 juillet.

Bronx, d’après Chazz Palminteri, mis en scène par Steve Suissa. Théâtre de Poche-Montparnas­se, Paris 6e. Du mardi au samedi 21 h, le dimanche à 15 h. Jusqu’au 7 juillet.

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Isabelle Huppert, prodigieus­e, incarne Marie Stuart.

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