LA SAGESSE DE LA FORÊT
Avec cette superbe fresque, l’écrivaine australienne Karen Viggers rend hommage à la nature splendide de la Tasmanie et au pouvoir des arbres sur l’âme humaine.
Dans la première moitié du Bruissement des feuilles, une jeune orpheline trouve un exemplaire des Hauts de Hurlevent dans les affaires de sa mère. Elle s’appelle Miki. Son grand frère Kurt et elle ont perdu leurs parents dans l’incendie de leur ferme, dont ils réchappent de justesse au début du roman. Les enfants ont hérité de dettes, d’un tas de cendres, et du souvenir d’une vie marquée par l’austérité et la religion. À 18 ans, Miki n’a jamais été à l’école, ses parents, effroyablement bigots avec l’âge, souhaitant la protéger du monde. De sorte qu’elle reçoit le chef-d’oeuvre d’Emily Brontë avec force, s’imprégnant de cette histoire de fusion avec l’être aimé et la nature. Elle noue une relation intense avec la forêt qui va réparer ses blessures et l’ouvrir aux autres.
Roman dans le roman, Les Hauts de Hurlevent fonctionne comme une clef pour comprendre ce qui inspire Karen Viggers. L’auteure, également vétérinaire spécialiste de la faune sauvage à Canberra, semble croire au pouvoir guérisseur et rédempteur de la nature, au coeur de tous ses livres. De La Mémoire des embruns, retour d’une dame âgée
et malade sur l’île de Tasmanie, au Murmure du vent, sur une biologiste qui observe les kangourous et fuit l’amour sur les monts Brindabella, en passant par La Maison des hautes falaises, où deux âmes en peine s’éveillent au bonheur en contemplant les baleines.
DÉFENSE DE LA NATURE
Malgré ce schéma « blessure-natureamour » un brin mélodramatique et mécanique, Viggers décrit avec talent la faune et la flore de l’Australie, et sait créer des personnages attachants. Dans son quatrième roman, on rencontre la pétillante Miki, Kurt, son frère bourru, ainsi que le chétif Max avec lequel Leon, garde- forestier solitaire, se lie d’amitié. Tous s’impliquent dans la défense de la nature en Tasmanie, dépassant ainsi leurs chagrins individuels.
Reste que cet élan de solidarité ne constitue pas la meilleure part du roman qui se joue plutôt «à l’abri des arbres ». Dans ces moments où Miki s’évade en forêt après une dure semaine de travail au fast-food qu’elle tient avec Kurt : « L’odeur du bush après la pluie. Le craquement de l’écorce. Le grincement des branches. L’impression de quiétude et d’intemporalité, la croissance et le renouveau. L’aura des arbres. Le sentiment que tout est connecté. À sa place. Elle aurait pu rester là toute la journée, à respirer en rythme avec l’arbre, à inspirer la vie qu’il insufflait. » Nous aussi.