NAISSANCE DE L’« ALGÉRIE FRANÇAISE »
Une synthèse, par Jacques Frémeaux, et la monographie d’un village, de Colette Zytnicki, auscultent la cohabitation entre Algériens et colons.
L’Algérie appartient à ce « passé qui ne passe pas ». Mais connaît-on vraiment les cent trente années de l’« Algérie française » ? Algérie 18301914, premier volume de l’essai de Jacques Frémeaux, permet de s’y plonger, depuis le débarquement de l’armée d’Afrique à Sidi-Ferruch jusqu’à la veille de la Grande Guerre. Le propos, clair et didactique, s’appuie sur un cours à la Sorbonne. Le bilan est sans concession : les chimères
du « royaume arabe » de Napoléon III et du volontarisme de la IIIe République, l’incompétence des dirigeants et le mépris pour ceux que l’on nommait les « Indigènes » sont flagrants.
La présence française, c’est en effet « une immense expropriation, un repeuplement et, finalement, une coexistence entre des personnes qui ne se destinent pas à se côtoyer », rappelle Colette Zytnicki, dans Un village à l’heure coloniale,
une monographie sur Draria, l’un des premiers bourgs coloniaux, situé près d’Alger. Son projet : « Raconter comment les uns et les autres ont trouvé place dans cette histoire. » Archives à l’appui, elle redonne vie à des dizaines de villageois, à l’image du couple Dauphin et de leurs enfants, qui ont quitté les riches pâturages du Nivernais, ou de la famille Sheriff, dont les terres ont été confisquées. Ce récit minutieux de l’installation des colons, du triomphe de la vigne, de l’instauration d’une démocratie locale inégalitaire et du basculement démographique en faveur des musulmans se clôt dans la violence de guerre. Ultime et dramatique preuve du « refus d’un avenir partagé 2 » .