PENSER L’IMPENSABLE
Dans son nouveau livre, Hent de Vries offre des leçons sur la métaphysique des miracles, une question qui n’a cessé d’être au coeur de la réflexion philosophique.
Universitaire batave et polyglotte, Hent de Vries a notamment enseigné la philosophie à Amsterdam, puis la pensée et la littérature comparées à New York. En mars 2018, l’Institut catholique de Paris l’a invité à donner des cours dans le cadre de la prestigieuse chaire Étienne Gilson. De ces leçons a été tiré Miracles et Métaphysique – miracles (au pluriel) et métaphysique (au singulier) renvoient à l’énigme que certains événements constituent pour la pensée philosophique. Les miracles défient en effet les explications rationnelles au point de mettre en question les catégories fondamentales de la raison et de l’être. Ainsi l’impossible devient-il possible, d’où la nécessité d’une « libre métaphysique » quand bien même celle-ci ne parviendrait à cerner son objet que par des approximations négatives. Bref, un « miracle pertinent » est toujours peu ou prou une invitation
à réfléchir aux fondements ultimes du réel et donc, ipso facto, à la métaphysique. Encore faut-il pouvoir distinguer le miracle authentique (miraculum), qui est hors d’ordre, du tout-venant des phénomènes étonnants (mirabilia), voire des simples mirages. Le merveilleux, le prodigieux, le monstrueux, tout ce qui relève du fait divers étonnant ( wonderful ou wunderbar), sont intelligibles dans les catégories ordinaires de la pensée, tandis que l’événement miraculeux, lui, contraint la pensée à faire des sauts et à prendre conscience de ses failles. Le livre dense de Hent de Vries invite, au contact de grands penseurs allant d’Augustin à Wittgenstein, à méditer cette notion clé que n’épuise pas son acception théologique.