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MARCHE OU RÊVE

Que ce soit en ville ou en pleine nature, la marche, ce plaisir partagé par Lauren Elkin et Belinda Cannone, a donné naissance à deux ouvrages où le temps reprend tous ses droits.

- Alexandre Fillon

Marcher », disent-elles. L’Américaine Lauren Elkin et la Française Belinda Cannone ne le font pas de la même manière. La première a grandi à Long Island, une banlieue aux rues sans trottoir, qui demande de prendre la voiture pour se déplacer. Étudiante, elle a commencé à marcher sans raison particuliè­re, en prenant son temps. Dans Flâneuse, la marcheuse, rappelle-t-elle, est celle qui se promène sans but, musarde en regardant autour d’elle, le plus souvent dans les villes. Lauren Elkin, on l’accompagne volontiers à Paris, sur les traces de la grande Jean Rhys. Une cité où elle écoutait Björk à l’âge de 20 ans et où elle revient toujours à la recherche des fantômes sur les boulevards. On ne l’abandonne pas à Londres, lorsqu’elle se perd dans Bloomsbury, le quartier mythique où Virginia Woolf a écrit la plupart de ses romans. Ni à Venise, quand elle y débarque avec sa petite valise à roulettes pour observer, écrire et suivre les expérience­s artistique­s de Sophie Calle. Encore moins à Tokyo, mégapole peu adaptée à la marche, où elle a suivi un amoureux et se sent piégée.

LES MERVEILLES DU QUOTIDIEN

Belinda Cannone, elle, se présente comme une marcheuse de montagne. De montagne d’été. Un lieu solaire idéal pour avancer pas à pas, « goûtant l’effort lent et régulier » qui permet de mettre son corps en mouvement. La romancière et essayiste est une passante du vaste monde, prompte à s’émerveille­r, à saisir les spectacles humbles, à notre portée quotidienn­e. Dans La Forme du monde, elle aspire vers le haut et, « dans une respiratio­n plus ample », note sur le papier la liberté que procure la marche. Belinda Cannone ne flâne pas, elle préfère « baguenaude­r » dans les alpages. Pour atteindre « un état flottant qui, quoique incluant l’effort, reste doux et régulier » . Pour que son esprit puisse vagabonder et sa plume se déployer. La solitude, elle la recherche et la choie. Ses lectures montagnard­es sont le Jean Giono de Regain, la Marlen Haushofer du Mur invisible et la Simone de Beauvoir de La Force de l’âge. Marcher et lire, que demander de plus ?

 ??  ?? Images de Long Island extraites du livre de Lauren Elkin. Collection de l’auteure.
Images de Long Island extraites du livre de Lauren Elkin. Collection de l’auteure.
 ??  ??  La Forme du monde par Belinda Cannone, 160 p., Arthaud, 13 €
 La Forme du monde par Belinda Cannone, 160 p., Arthaud, 13 €
 ??  ??  Flâneuse. Reconquéri­r la ville pas à pas (Flâneuse. Women Walk the City in Paris, New York, Tokyo, Venice and London) par Lauren Elkin traduit de l’anglais (États-Unis) par Frédéric Le Berre, 368 p., Hoëbeke, 23 €
 Flâneuse. Reconquéri­r la ville pas à pas (Flâneuse. Women Walk the City in Paris, New York, Tokyo, Venice and London) par Lauren Elkin traduit de l’anglais (États-Unis) par Frédéric Le Berre, 368 p., Hoëbeke, 23 €

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