3 QUESTIONS À… BERNARD CERQUIGLINI
LINGUISTE ET CONSEILLER SCIENTIFIQUE DU PETIT LAROUSSE 2020, AUTEUR D’ENRICHISSEZVOUS :PARLEZ FRANCOPHONE !
EST-CE NOUVEAU D’INTÉGRER DES MOTS FRANCOPHONES DANS LE PETIT LAROUSSE ?
Nous avons toujours intégré les mots des pays francophones pour être fidèles à ce que pratiquait Pierre Larousse au XIXe siècle. Il a été le premier à décrire sa langue dans sa diversité régionale. À l’époque, il avait comme horizon la France. Le monde est aujourd’hui notre horizon. Nous souhaitons faire entrer dans le Petit Larousse non pas les mots rares, mais les mots d’usage courant en Belgique, au Québec, en Suisse et en Afrique francophone.
POUR QUELLE RAISON ?
Les francophonismes contribuent à enrichir le français mondial, au-delà des particularismes. Sous ma poussée, Larousse s’intéresse davantage aux mots d’Afrique francophone susceptibles d’entrer dans le patrimoine commun. Prenez par exemple la conjugaison du premier groupe. Très utilisée en Afrique, elle permet d’éviter une périphrase. Des verbes comme « cadeauter » (offrir un cadeau), « siester » (faire la sieste) ou « retraiter » (mettre un salarié à la retraite) sont des africanismes que l’on peut qualifier d’universels, car tout locuteur francophone les comprend tout de suite.
QU’EN EST-IL DE LA NORME EN FRANCE ?
Si vous dites Ç Dimanche, je vais siester È, vous allez faire sourire. Et cela sera corrigé dans un devoir. Or il faut que l’Académie française, mais surtout le locuteur français comprennent que tout mot bien formé, transparent et utile, produit par une variété de la Francophonie, est bon pour toutes les autres. Nous pouvons y parvenir car la France a réalisé qu’elle est numériquement minoritaire en Francophonie. Le discours du 20 mars 2018 du président Macron affirmant que le français s’est émancipé de la France, et la récente décision de l’Académie française en faveur de la féminisation des métiers le prouvent : quelque chose est en train de basculer.