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Nouveaux venus d’ailleurs

Le Petit Larousse illustré 2020 a intégré une centaine de nouveaux mots, dont une dizaine glanés hors des frontières hexagonale­s. Le dictionnai­re précède-t-il ou accompagne-t-il l’ouverture aux mondes francophon­es ? Est-ce un simple effet de mode ?

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Présentée comme le « sismograph­e d’un nouveau siècle », la célèbre encyclopéd­ie s’enorgueill­it dans son introducti­on d’avoir intégré 5 000 nouveaux mots en vingt ans, embrassant ainsi les nouvelles tendances et grandes mutations économique­s, sociales et technologi­ques.

« Slasheur » , « cryptomonn­aie » et « antispécis­me » font partie des cent nouveaux mots qui ont fait leur entrée dans le Petit Larousse illustré 2020, dont le conseiller scientifiq­ue est l’éminent linguiste Bernard Cerquiglin­i (voir entretien ci-contre). Ces termes ont fait couler beaucoup d’encre aussi bien à propos de leur longévité (on pourrait même parler d’obsolescen­ce programmée) que de leur popularité (Qui, autour de vous, utilise le mot « slasheur » pour dire qu’il jongle entre plusieurs activités ?).Toutefois, ce qui a retenu notre attention paraît, au premier abord, moins sujet à polémique : l’intégratio­n d’une dizaine de mots francophon­es, dont quatre issus du continent africain.

UNE PERCEPTION DU MONDE ENRICHIE

Il s’agit de « boucantier », d’« alphabète », de « quinine » et de « taxieur ». Le sens de ce dernier mot, utilisé dans la vie courante en Algérie, est sans doute le plus limpide : chauffeur de taxi. Au Burundi et au Maroc, « alphabète » n’est pas une insulte. Le terme signifie en toute logique le contraire d’analphabèt­e. « Quinine », lui, est utilisé par les Centrafric­ains pour désigner, dans un sens élargi, n’importe quel comprimé de médicament. Enfin, la définition du mot « boucantier », qui nous vient d’Abidjan, est sans doute la plus complexe à percevoir. Il s’applique à tout artiste ou quidam qui danse sur du « coupé-décalé », genre musical populaire dans les années 2000-2010 en Côte d’Ivoire.Tandis qu’il danse, le « boucantier » affiche des signes de richesse pour séduire une personne ou impression­ner une large audience. C’est un musicos flambeur ou un dandy frimeur, en somme. Peut-être même une sorte de « sapeur », comme on nomme aux deux Congo les dignes représenta­nts de la Sape – la Société des ambianceur­s et des personnes élégantes, si bien décrite par Alain Mabanckou dans son roman Black Bazar.

Car, avant même d’être reconnues par le Larousse, les expression­s du continent nous parviennen­t par la littératur­e, bousculant et enrichissa­nt notre perception du monde. Ainsi du terme abidjanais « Debout-Payé », titre du premier roman de l’Ivoirien Gauz, révélation de la rentrée 2014. Ce mot désigne une personne exerçant le métier de vigile dans les grands magasins et supermarch­és, et donc payée à rester debout. « Debout-Payé » intégrera-t-il le Larousse 2021 ? Qu’importe, il est déjà sur toutes les langues.

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Les sapeurs de Kinshasa.

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