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L’UNIVERS D’UN ÉCRIVAIN

Guillaume Musso

- Guillaume Musso

S’il est, depuis une dizaine d’années, l’un des auteurs français les plus populaires, ce natif d’Antibes n’en est pas moins un homme assez secret. Rencontre avec un père de famille aux airs de grand ado, doublé d’un amateur d’art abstrait.

Au fond, c’est un super-héros. À l’image de ceux que l’on trouve dans les comics, désormais portés à l’écran. Il n’y a pas de hasard – enfin, si –, lorsque l’on constate qu’il a, à une lettre près, le même nom de famille qu’Anthony et Joe Russo, les frères réalisateu­rs d’Avengers : Endgame, qui ont mis en scène les combats des personnage­s Marvel. Lui, c’est Musso. Guillaume Musso. Et son pouvoir consiste à faire lire des millions de gens dans le monde entier depuis une quinzaine d’années et le tabac internatio­nal d’Et après…, thriller romantique et

paranormal écrit à la suite d’un accident de la route, ayant failli lui coûter la vie. Il s’en est sorti, et quelque chose a changé en lui – un peu comme pour certains héros des films de M. Night Shyamalan, l’un de ses cinéastes préférés. Le mystère, donc. D’ailleurs, le titre de son nouveau roman – probableme­nt le mieux accueilli depuis ses débuts – était un véritable appel à en savoir plus : La Vie secrète des écrivains (voir critique page 34). Il fallait décidément aller voir sur place. Lorsqu’il nous ouvre la porte de son bureau, en plein coeur du 8e arrondisse­ment, ce père de famille nous apparaît en grand adolescent attardé, en jean, polo et sneakers aux pieds, surmontés toutefois d’une veste, pour donner un peu d’élégance à sa nature décontract­ée. Après tout, ne vaut-il pas mieux opter pour une telle apparence lorsqu’il faut soudain enfiler sa panoplie de superman de l’édition française ?

Né à Antibes en 1974, Musso est longtemps resté fidèle à la Côte d’Azur. Après un bac scientifiq­ue et des études d’économie, il enseigne au lycée et à la fac entre Nancy et Metz avant de retourner dans le Sud donner des cours à Sophia Antipolis. « J’ai toujours eu besoin d’avoir un équilibre entre la vie artistique, la vie rêvée

et la vraie vie, précise-t-il. Quand j’étais étudiant, puis prof, la littératur­e est restée une passion, un plaisir, ça n’a jamais été scolaire, obligatoir­e. À l’épreuve du temps, j’ai compris que ce n’était pas une simple tocade. J’ai arrêté d’enseigner en 2007, après avoir fini d’écrire Je reviens te chercher. Je suis alors venu m’installer à Paris où ma femme, qui est prof de théâtre, travaillai­t déjà. » Avec son succès, Musso est à l’abri des tracas immobilier­s : ce spacieux appartemen­t – où vécut, des années plus tôt, l’académicie­n René Bazin – ne lui sert que de bureau ; il habite ailleurs. Depuis la terrasse, on a vue sur la résidence parisienne d’un ambassadeu­r, le jardin d’un restaurant étoilé et…, surprise, sur une hyène empaillée ! De quoi faire travailler l’imaginatio­n…

UN FAN SANS LOGIQUE DE FAN

Celle de Guillaume Musso n’est, quoi qu’il en soit, pas en panne, loin de là. C’est sans doute pour cette raison qu’il avoue volontiers être un amateur d’art abstrait, comme le prouvent les très nombreuses toiles accrochées aux murs. « Ce que j’aime dans ces tableaux, c’est qu’on peut y voir ce que l’on veut, y projeter ce que l’on désire. Selon les jours, on peut trouver la même oeuvre joyeuse, triste, organique, cauchemard­esque, élégiaque… » Cette passion ne date d’ailleurs pas d’hier et n’a rien à voir avec une quelconque forme de spéculatio­n. « Je me souviens de l’époque où j’étais encore au lycée, à Antibes, et que j’ai découvert le musée Pablo-Picasso et les oeuvres de Nicolas de Staël, qui s’est suicidé dans cette ville. » Il est impossible de ne pas être happé par une grande toile très colorée, signée de l’artiste new-yorkais JonOne, à laquelle il tient particuliè­rement – et pas seulement car cela lui rappelle son séjour dans la Grosse Pomme. Mais d’autres plasticien­s contempora­ins réputés sont également présents dans ces quelques mètres carrés aux airs de galerie : l’Allemand Jan Kolata, le Français Gérard Traquandi, sans oublier le mosaïste Invader, très à la mode au début des années 2000, dont Guillaume Musso possède plusieurs créations déclinant les codes esthétique­s du fameux jeu vidéo d’antan, Space Invaders. Notre adulescent serait-il nostalgiqu­e du temps béni des vieilles consoles, de Pacman et de Donkey Kong ? « Pas particuliè­rement, et ça n’a pas grand rapport avec mon goût pour l’art. Toutefois, j’avoue un petit penchant pour les jeux de foot. »

Celui qui compte parmi les écrivains préférés des Français nous propose alors de prendre un café et éteint la radio vintage, sise dans la petite biblio-discothèqu­e. S’il n’a plus de platine vinyle, Guillaume Musso a gardé quelques disques pour la décoration, parmi lesquels la bandeorigi­nale, signée Angelo Badalament­i, de la série Twin Peaks, ou le fameux album « unplugged » de Nirvana. Lorsqu’il écrit, il écoute d’ailleurs très souvent les mêmes musiques, dont les improvisat­ions de Keith Jarrett ou les grands mouvements répétitifs et hypnotique­s de Philip Glass, « une véritable élévation spirituell­e ». Parmi les livres ici exposés se côtoient librement l’anthologie des articles de

la revue de cinéma Starfix, un volume de Victor Hugo en Pléiade, Le Maître des illusions de Donna Tartt ou Belle du Seigneur. « J’adore ce roman, mais pas toute l’oeuvre d’Albert Cohen. Et cela vaut pour tous les auteurs. Je n’ai absolument pas une logique de fan – c’est d’ailleurs rare que je lise tout d’un écrivain. J’aime les oeuvres individuel­les plus que leurs créateurs. Par exemple, je suis fou du Hussard sur le toit, mais pas de tout Giono ! »

Dans la pièce, on ne trouve pas un seul journal – à part un exemplaire de la revue America. En voudrait-il un peu à la presse de ne pas avoir été tendre avec lui, au fil des années ? « Ça fait mal sur le coup, mais ça passe. » Il n’oublie pas qu’écrire,

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Dans le spacieux appartemen­t qui lui sert de bureau, l’auteur se dévoile un peu.
 ??  ?? Guillaume Musso travaille du matin au soir jusqu’à 19 heures, un rythme qui structure ses journées. C’est dans des carnets que ses livres prennent naissance.
Guillaume Musso travaille du matin au soir jusqu’à 19 heures, un rythme qui structure ses journées. C’est dans des carnets que ses livres prennent naissance.
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 ??  ?? Quelques vinyles pour la décoration, une création du mosaïste Invader et une superbe radio vintage.
Quelques vinyles pour la décoration, une création du mosaïste Invader et une superbe radio vintage.
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