RÉTRO-LISEUR

Il faut savoir ne pas se précipiter : Bernard Pivot en a fait les frais lors des demi-finales des Championnats de France d’orthographe, en imposant un rythme trop rapide à sa dictée. Il prend alors le temps, dans Lire, de présenter ses excuses aux candida

Le samedi après- midi des demi- finales des

Championnats de France d’orthographe, on se serait cru dans le studio de RTL où siégeait le jury central, un soir d’élections législatives. La table était couverte de téléphones. Les hommes avaient tombé la veste. Les verres laissaient des traces rondes sur les feuilles où la dictée avait été reproduite en abondance. À mesure que les résultats – parfois partiels – nous arrivaient des vingt-cinq villes où les quelque (adverbe, donc sans “s”) cinq mille concurrents avaient planché, ils étaient notés et affichés. […] Mais plusieurs jurys me signalaient que des concurrents s’étaient plaints du rythme trop rapide de la dictée.

À peine avais-je dit “point final” que des auditeurs de RTL et de RMC téléphonaient pour me reprocher, parfois avec colère, souvent avec humour, mon débit de lecture jugé trop vif. Les doléances des candidats, exprimées soit sur-le-champ aux présidents des jurys régionaux, soit, depuis, dans des lettres que j’ai reçues, ont été trop nombreuses pour que je ne fasse pas mon mea-culpa (contrairement à “ex æquo” et à “ex cathedra”, on doit tracer un trait pour unir mea et culpa, mais chez Larousse, on n’est pas d’accord).

J’avais pourtant pris soin de m’entourer, dans le studio d’enregistrement, de “cobayes” qui faisaient devant moi la dictée et sur l’écriture desquels j’avais réglé mon débit. […] Il va de soi qu’une dictée ne saurait s’éterniser, qu’on ne peut pas répéter plusieurs fois chaque mot et que les capacités des individus à écrire plus ou moins vite, donc à maîtriser plus ou moins rapidement l’orthographe, doivent entrer en jeu. Les gagnants seniors ont trouvé normal mon rythme de lecture. Reste cependant que, sans tomber dans l’excès inverse d’une dictée pour des escargots dubitatifs et empruntés, j’ai lu trop rapidement le texte écrit par la linguiste Micheline Sommant. J’en demande pardon aux candidats que j’ai involontairement lésés. La prochaine fois – toutes les lettres demandent qu’il y ait “une prochaine fois” –, j’irai moins vite, c’est juré. »