LE COUP DE DE CLAIRE CHAZAL

ANCIENNES AMOURS

Il avait souvent dit qu’il n’écrirait jamais d’autofiction. Depuis 2001, date de la publication de son premier roman,

En l’absence des hommes, il nous avait livré chaque année un récit imaginaire et sensible qui nous emmenait sur la voie des sentiments, de l’Amérique à l’Italie ou au Portugal. À 50 ans, Philippe Besson finit par se dévoiler. Dans Arrête avec tes mensonges, il revenait sur son adolescence à Barbezieux et sur cette attirance fondatrice pour un garçon de son âge. Avec Un certain Paul Darrigrand, il révélait les secrets d’une année estudiantine partagée entre un amour impossible et une maladie qui aurait pu le conduire à la mort. Bien sûr, le romancier n’avait jamais cessé de parler de lui à travers ses personnages. Mais en disant « je », il touche désormais le lecteur au coeur. Comme pris à son propre jeu, le voici qui, dans l’urgence, creuse encore un peu plus sa propre histoire. Dîner à Montréal va plus loin dans l’intime. L’auteur fait un saut dans le temps pour décrypter ses retrouvailles avec Paul. Elles sont inattendues, hésitantes, maladroites. L’écrivain Philippe Besson se trouve au Québec pour des séances de signatures. Son amoureux d’il y a dix-huit ans, marié et père d’un enfant, vient à sa rencontre dans une librairie. Ils se regardent et décident de dîner ensemble pour parler du passé. Chacun est en couple et la conversation va osciller entre des considérations un peu quotidiennes et banales et une véritable introspection sentimentale. Avec une lucidité rare et assez noire, le romancier décortique le désir d’antan, la frustration, la jalousie, la terrible séparation, ce qui s’est passé au plus profond des deux amants. On s’approche de l’universel, car on comprend que la passion ne va jamais sans la souffrance, chacun pouvant reconnaître ses propres blessures et son impuissance face à la course cruelle du temps. Ce Dîner à Montréal est à la fois léger et déchirant car, après l’échec accepté, les vies se sont construites des deux côtés de l’Atlantique sans que jamais l’un n’oublie l’autre… C.C. Dîner à Montréal par Philippe Besson,

198 p., Julliard, 19 €