Éric-Emmanuel Schmitt*
L’écrivain et dramaturge évoque le Finlandais Mika Waltari, qui lui apprit que l’on peut être populaire tout en revendiquant l’exigence.
Mika Waltari (19081979), auteur finlandais de romans historiques, fut très populaire entre les années 1930 et 1950. Il travaillait sur des époques charnières, quand un monde fut remplacé par un autre. Ses livres sont intéressants sur les plans historique et philosophique, mais aussi spirituel.
Je l’ai découvert lorsque j’étais étudiant en philosophie à l’École normale supérieure, au début des années 1980.
L’une de mes amies raffolait des romans historiques, genre que je connaissais peu, et m’a fait découvrir Waltari. Il était mort quelques années plus tôt, mais il y avait une sorte de mouvement éditorial autour de lui : on le retraduisait, on publiait ses inédits… Pour un intello de formation comme moi, que cet auteur au propos profond puisse toucher un public plus large fut une révélation. Le premier roman de Waltari que j’ai lu est Le Secret du royaume, deux tomes ( Myrina en 1959 et Minutus en 1964) sur les pérégrinations d’un Romain à Jérusalem en l’an 33, soit la période de la fondation du christianisme. Le livre raconte tout à la fois l’ordre, la rationalité et le pragmatisme des Romains, leur indifférence religieuse aussi bien que leur ouverture d’esprit. Il met aussi en scène la spiritualité juive, qui se renouvelle avec l’apparition de Jésus de Nazareth.
Waltari est passionnant comme Alexandre Dumas, avec une dimension de quête métaphysique qu’on ne trouve pas chez ce dernier !
L’Étrusque ( 1955) est un autre de ses livres formidables à mes yeux. C’est le seul roman de valeur consacré à la civilisation étrusque, l’une des plus ignorées qui soit. Son oeuvre la plus célèbre reste bien entendu
Sinouhé l’Égyptien ( 1945), adapté à l’écran par Michael Curtiz en 1954, un péplum avec Gene Tierney. »
Propos recueillis par Hubert Artus