Le sens de la désobéissance
Dans une ville vouée à la destruction, Olivia Rosenthal fait entendre la voix de combattants de l’ombre qui résistent par le pouvoir de la parole.
Il faut imaginer une ville avec des tours et un fleuve, coupée en deux par une autoroute, où le couvre-feu est déclaré. La jungle urbaine s’y est déployée en accéléré. On y croise des miliciens en uniforme et des motards casqués. L’héroïne d’Éloge des bâtards, le nouveau roman d’Olivia Rosenthal, se prénomme Lily. La jeune femme secrète est dotée d’un pouvoir télépathique. Elle peut entrer dans l’esprit et dans l’intimité de celles et ceux qu’elle rencontre, s’immerger dans leur vie. En se demandant toujours si c’est une force ou une faiblesse. Elle doit apprendre à s’en débrouiller seule, prenant soin d’éviter les « rues grouillantes et vibrantes » pour soigner sa maladie.
LUTTER CONTRE L’ISOLEMENT
Préposée à l’interprétation des signes, Lily fait partie d’un groupe sans chef qui se réunit la nuit. On trouve là Fox le nerveux, Clarisse la candide, Gell le sauvage, Filasse le berger, Macha la frisée, Full le taciturne et Oscar le dandy. Des complices en rébellion qui ont tous souffert d’une manière ou d’une autre, comme leurs parents avant eux.
Assis autour de la table, ils se confient et s’écoutent. Ces combattants de l’ombre ne croient ni aux cérémonies ni aux symboles. Ils cherchent à lutter contre l’isolement, à empêcher la destruction de leur ville, persuadés qu’il faut la saturer de signes invisibles et poétiques. « Nous occupons le terrain et nos pensées en nous concentrant sur la lutte minuscule, obstinée, que nous menons contre la politique urbanistique », lance Lily. Durant cinq nuits, le lecteur de ce roman hypnotique accompagne la parole libérée des protagonistes qui se rejoignent chez Lily, dont la maison est devenue un QG « au milieu de rien, en bout de lotissement, tout près du rond-point ». Il serait dommage de ne pas les entendre.