Même pas mâle
Repenser la masculinité ? L’objectif est fort louable, mais Ivan Jablonka passe malheureusement à côté.
Du Paléolithique aux temps modernes, une constante domine l’humanité : la division sexuelle des tâches, qui a étendu sur la surface du globe la domination du masculin sur le féminin. Loin de cette figure ancestrale du mâle, Ivan Jablonka entreprend, dans Des hommes justes, de repenser la masculinité. Ainsi considéré, combien aimerait-on aimer ce livre, être transporté par une cause à la justesse évidente ! Trop ?
Pas de contrechamp ici, pas de mise en danger, mais un message simple – tuons le porc en nous –, appuyé sur le recensement de faits connus, labourés par plus de trente ans de sciences sociales.
À l’énoncé de la énième tare du machisme (la guerre, l’alcool, les 4 x 4), de la énième statistique honteuse (proportion de femmes participant aux négociations de paix), la lassitude guette – légèrement coupable, forcément, tant l’appel à être un
« mec bien » est tentant, même pour le lecteur qui a du cochon en lui. Las, les idées restent désespérément plates comme une affiche de métro : « La virilité construit autant les hommes qu’elle les détruit », mais, heureusement, « il est des hommes qui se caractérisent par leur sensibilité ». Ailleurs, on apprend que « la beauté, au féminin comme au masculin, n’admet aucune définition » – tabarnak ! serait-elle donc intérieure ? – et qu’ « un accord a beaucoup plus de chances de durer si des femmes y ont participé ». Les sciences sociales seraient-elles nées dans les choux ? Être un mec bien, d’accord, mais on se garde le droit d’être un lecteur méchant. Étrangement, les dernières pages sauvent la singularité d’une posture et le secret d’un ouvrage écrit sans doute à côté de son vrai motif : le livre d’un homme qui souhaitait se
mettre en cause par l’écriture, plaider coupable d’être du bon côté, à la recherche d’une nouvelle morale pour les siens. Beau sujet, énoncé trop tard.