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ÉTUDES CRITIQUES

Après avoir décortiqué la littératur­e française, le dandy érudit Charles Dantzig propose sa vision des chefs-d’oeuvre des lettres internatio­nales, tout en s’interrogea­nt sur le génie. Agaçant, mais assurément brillant.

- Baptiste Liger

La France n’est pas le centre du monde, et il faut savoir s’ouvrir. C’est peut-être pour cette raison que Charles Dantzig a décidé, après son Dictionnai­re égoïste de la littératur­e française en 2005, de remettre le couvert avec un nouveau pavé érudit, nourri de la même mauvaise foi savamment mise en mots. Plus que d’une suite, il vaudrait mieux parler d’un prolongeme­nt, pour ce Dictionnai­re égoïste de la littératur­e mondiale, tant on croise ici, à l’occasion, d’éminents représenta­nts de la langue de Victor Hugo. Mais là n’est pas l’essentiel. À première vue, notre dandy encyclopéd­iste respecte le pacte avec le lecteur, puisque nombre d’entrées sont réservées à des oeuvres et des auteurs, auxquels il attribue, de manière totalement arbitraire, bons et mauvais points.

Si Charles Dantzig admire Tolstoï, Fitzgerald, Wilde, Joyce ou Pétrarque, d’autres grands noms ou titres du patrimoine culturel ont droit à une volée de bois vert. Hemingway ? « Une honteuse de la délicatess­e. » Le Nabokov de Lolita ? « Un fat à périphrase­s. » Don Quichotte ? « Le roman d’un bavard mis en prison […], jouissant de sa méchanceté. » On en passe, naturellem­ent. Notre homme a décidément l’art du raccourci ravageur et de l’aphorisme qui fait mouche. Si notre Tatie Danielle de l’histoire

littéraire multiplie les vacheries, il ne faudrait pas réduire son Dictionnai­re à un seul étalage de goûts, forcément contestabl­es, donnant envie de découvrir des bijoux méconnus, comme Sam Dunn est mort de Bruno Corra ou le Journal de Sir Henry « Chips » Channon.

DES ENTRÉES INATTENDUE­S

On feuillette ainsi ce volume, plus politique qu’il n’y paraît et obsédé par la notion de génie, en se jetant sur des entrées inattendue­s comme « Antigone et Alien », les « Enterremen­ts d’écrivains célèbres », une « Anthologie des femmes malheureus­es », sans oublier les considérat­ions sur le « pet » ou une analyse très sérieuse des pièces de théâtre de Jean-Paul II. Fustigeant la dictature du sujet pour mieux revendique­r la notion de plaisir, Charles Dantzig se rêve en justicier qui, au fond, cherche à connaître son identité pour mieux la brouiller. Coïncidenc­e ou non, le dernier article de son livre, consacré à Zorro, se termine ainsi : « Que sait-on de soi-même, et quelle importance ? »

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Ernest Hemingway, « une honteuse de la délicatess­e » pour Charles Dantzig.
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Dantzig, 1248 p., Grasset, 34,90 €
HHHHI Dictionnai­re égoïste de la littératur­e mondiale par Charles Dantzig, 1248 p., Grasset, 34,90 €

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