L’été meurtrier
Cloé Korman livre le récit d’une violence latente submergée par La Tempête de Shakespeare.
Le roman français s’intéresse beaucoup aux individus, presque jamais aux groupes. L’un des aspects les plus captivants du livre de Cloé Korman – une romancière de 35 ans récompensée par le prix du Livre Inter 2010 pour Les Hommescouleurs –, est la façon dont il donne à voir cette drôle d’entité qu’est une bande d’enfants rassemblés ailleurs que dans une salle de classe. Dans Midi, c’est un stage d’initiation au théâtre, organisé par l’association Le Panier à Marseille, qui les réunit. Alors que d’autres sont partis loin, ceux-là, restés au quartier, passent leurs vacances à
travailler ensemble à une libre adaptation de La Tempête de Shakespeare. Quinze ans plus tard, l’une de leurs animatrices – la narratrice – se souvient de cet été lorsque Dom, qui dirigeait le théâtre à l’époque, resurgit subitement dans sa vie. Les répétitions se suivent quand peu à peu émerge le silence d’une petite fille. C’est la silhouette frêle de Joséphine, qui cache un lourd secret sous le tissu de ses vêtements. Le secret ne demande qu’à éclater mais, face au tabou de la violence infantile, les adultes abdiquent. Cloé Korman explore de grands maux dans le pouls entêtant de sa belle écriture : complicité, lâcheté, culpabilité, conflits d’intérêts… Et la lumière solaire de Shakespeare pour éclairer la cruauté des hommes.
★★☆☆☆ Midi par Cloé Korman, 224 p., Seuil, 18 €