Lolita avant Lolita
C’est en France, vers 1939 ou 1940, qu’un premier canevas de Lolita germa dans l’esprit de Nabokov. Dans la postface du roman, datée du 12 novembre 1956, « À propos d’un livre intitulé Lolita », Nabokov raconte comment il a ressenti « la première palpitation de Lolita ». Le « frisson d’inspiration initial fut provoqué bizarrement par un article […] à propos d’un singe du Jardin des Plantes qui, après avoir été cajolé pendant des mois par un chercheur scientifique, finit par produire le premier dessin au fusain jamais réalisé par un animal : cette esquisse représentait les barreaux de la cage de la pauvre créature ». Nabokov en tira une nouvelle, L’Enchanteur. Rédigée en russe, elle racontait l’histoire d’Arthur (le prototype de Humbert Humbert), originaire d’Europe centrale, et d’une petite Française de 12 ans, une nymphette, anonyme dans la nouvelle. Arthur, ayant épousé la mère déjà malade, tenta, après la mort de celle-ci, d’abuser de la petite fille. Puis, il se suicida en se jetant sous les roues d’un camion. Insatisfait de son texte, Nabokov prétendit avoir brûlé cet avorton de Lolita lorsqu’il arriva aux États-Unis. Le manuscrit, retrouvé, a été publié dix ans après la mort de Nabokov.