PSYCHOLOGIE
Désireuse que l’école sollicite davantage les mécanismes d’apprentissage de l’enfance, Céline Alvarez bouscule le milieu de l’Éducation nationale, tout en connaissant un grand succès en librairie. Une personnalité qui dérange ou enthousiasme, et qui ne s’
début de soirée, le 28 octobre, un message de l’attachée de presse de Céline Alvarez nous annonce que cette dernière lui a demandé d’annuler sine die tous ses rendez-vous, le nôtre y compris, pourtant prévu pour le lendemain matin. Compliqué d’envisager un portrait sans rencontrer la principale intéressée. Après la stupéfaction et une pointe d’agacement devant ce comportement un peu cavalier, il convient de tenter de comprendre. Nous apprenons alors que la star des pédagogies innovantes vit très mal son passage dans une émission télévisée diffusée quelques jours plus tôt, où elle a été visée par de violentes critiques. En cause : son nouveau livre d’apprentissage Une année pour tout changer, où elle présente une méthode d’éducation qui est loin de faire l’unanimité.
UN POSSIBLE CHANGEMENT
Céline Alvarez a été invitée par la ministre belge de l’Enseignement à accompagner 750 enseignants, pendant une année scolaire. En quelques semaines, les enfants seraient devenus autonomes, confiants et sereins. Dès la maternelle, ils seraient entrés spontanément dans la lecture. Un changement à grande échelle serait donc possible, en basculant de l’ennui à la motivation, de l’indiscipline au calme, du manque de persévérance à la créativité.
Celle qui se définit avant tout comme « une citoyenne qui veut faire bouger l’école » est habitée depuis l’enfance par cette mission. Élevée à Argenteuil (Val-d’Oise), elle obtient son bac avec mention avant de se lancer dans des études de linguistique par correspondance depuis Madrid. À 22 ans, elle se plonge avec passion dans les neurosciences et la pédagogie Montessori. De retour en France, elle passe le concours de professeur des écoles, et décide de trouver une classe afin de mieux combattre le déterminisme social. C’est l’actuel ministre de l’Éducation, alors directeur général de l’enseignement scolaire, un certain Jean-Michel Blanquer, qui lui trouve une classe de maternelle en réseau d’éducation prioritaire, à Gennevilliers, à la rentrée 2011.
ULTRA-SENSIBLE OU DIVA ?
S’ensuit le succès retentissant de son ouvrage tiré de cette expérience, Les Lois naturelles de l’enfant (Les Arènes), vendu à plus de 220 000 exemplaires. Il faut dire que le « terreau » était propice : « Après la psychanalyse et la psychologie, le domaine des neurosciences s’est penché sur la question de la pédagogie innovante, et Céline est arrivée au bon moment », analyse son éditeur, Laurent Beccaria.
Le public suit immédiatement : qu’ils soient professionnels de l’enfance ou parents. Elle explique comment développer les compétences socles de l’intelligence, celles qui « se développent avec une croissance fulgurante entre 3 et 5 ans » : mémoire de travail, capacité à se concentrer et à « gérer » ses émotions. Une méthode pourtant « ni duplicable ni généralisable », selon ses détracteurs, qui pointent du doigt la nécessité d’évaluations scientifiques de l’impact pédagogique des applications des sciences cognitives à l’école. La polémique s’installe. « Les responsables de la politique pédagogique ont pris l’émergence de cette jeune femme qu’ils n’avaient pas vue venir comme une agression. Elle cristallise beaucoup de choses », explique Laurent Beccaria. La violence que suscite Céline Alvarez ne serait donc, selon lui, que le symptôme d’une société malade. Des attaques qui seraient très mal vécues par la jeune femme de 36 ans.
Alors, angoissée ultra- sensible ou diva ? Pour l’un de ses plus ardents défenseurs, le chanteur Abd Al Malik (lui aussi très engagé sur le terrain), la réponse est sans appel : « C’est avant tout quelqu’un d’important qui est force de propositions et qui donne des clés à des parents qui ont pu se sentir, comme moi, démunis face au système éducatif français, explique ce père de trois enfants. Peu importe qu’elle plaise ou non, ce qui compte, c’est qu’elle participe à une réflexion où l’on remet l’humain au centre, en se préoccupant de la formation des générations à venir. »