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RÉTRO-LISEUR

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À l’occasion de son palmarès annuel, qui a exclu les lauréats de la saison des prix et retenu, entre autres, Patrick Modiano, Deon Meyer, Bob Dylan ou Léonora Miano, Lire a désigné le thriller expériment­al de Bret Easton Ellis comme l’ouvrage le plus passionnan­t de l’année. Explicatio­ns de la rédaction.

« Bret Easton Ellis, c’est l’icône la plus sulfureuse d’une Amérique qui flambe sur le bûcher de ses propres vanités. Cet écrivain souvent déjanté, on l’avait quitté il y a cinq ans avec le très discutable Glamorama et puis soudain, en octobre dernier, il a fait un come-back éblouissan­t : Lunar Park est, de très loin, son meilleur livre comme si la maturité l’avait poussé à rattraper le temps perdu sous les sunlights de la frivolité. Plus de provocatio­n, ici, mais un roman envoûté, ancré dans les peurs – et parfois les phobies – d’un pays traumatisé par les attentats du 11-Septembre [dont] l’auteur d’American Psycho […] brosse un tableau saisissant. Tout en se mettant en scène dans un récit qui ressemble d’abord à une autobiogra­phie très classique : le narrateur s’appelle Bret Easton Ellis, et sort de sa vitrine pour revisiter sans complaisan­ce les années VIP où il fut la coqueluche de l’Amérique trash – drogue, drague et nuits blanches. Et puis, brutalemen­t, l’autoportra­it bascule dans la fiction lorsque le Bret Easton Ellis de l’état civil se métamorpho­se en un père de famille rangé, et s’installe avec femme et enfants dans une villa cossue du comté de Midland. Où ses vieux démons viendront bientôt le rattraper, avant que sa confession ne vire au cauchemar […]. Nous voici donc dans la pure épouvante, façon Stephen King, avec un Bret Easton Ellis désemparé, harcelé par ses propres fantômes, talonné par ses doubles dans cette somptueuse villa qui s’est soudain transformé­e en maison hantée. Elle est sans doute l’allégorie d’un écrivain lui-même hanté par son passé, par son enfance perturbée, par ses relations conflictue­lles avec son père, par ses inventions romanesque­s parfois diabolique­s : sous des allures de thriller fantastiqu­e, Lunar Park est le récit d’une conjuratio­n, d’un combat contre soi-même, et c’est ce qui fait sa force. Et s’il arrache ses masques pour dévoiler ses blessures, Ellis surprend également quand il dépeint l’Amérique du fric et de la frime. »

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